Il situe bien le diagnostic du drame éducatif de la population scolaire de Roubaix.
Qu' on le veuille ou pas, il faudra bien regarder cette réalité en face.
ENTRE LES RENTRÉES 2000 ET 2004
1- RAPPEL DE LA SITUATION EN 2000 A ROUBAIX
Une population scolaire issue de milieux particulièrement « défavorisés »
A la rentrée 2000, avec une moyenne de 72% d’élèves issus de familles de PCS« défavorisées » (pour une moyenne de 45% dans l’arrondissement), les élèves roubaisiens sont issus de milieux particulièrement « défavorisés » socialement, financièrement et culturellement. Ces difficultés concernent la quasi totalité du territoire roubaisien. Le système scolaire accentue la concentration de ces difficultés.
Dès l’élémentaire, l’école prend en charge une population en grande difficulté
L’évitement de certaines écoles par les catégories les plus « favorisées » de la population est évident.
Le milieu social d’origine des élèves des écoles publiques a tendance à s’homogénéiser, en particulier dans les quartiers est de Roubaix.L’école est ainsi amenée à jouer un rôle social de premier plan qui dépasse son rôle habituel.
La concentration la plus marquée des difficultés dans les collèges publics
Dans le secondaire, les collèges publics, à l’exception du collège Baudelaire, ne retiennent que le public captif et socialement très « défavorisé ». Ces établissements accueillent ainsi un public très homogène (90% d’élèves issus de familles de PCS « défavorisées ») présentant des difficultés scolaires très importantes.
Par ailleurs, il existe à Roubaix des établissements privés très attractifs qui accueillent le plus souvent une population plus « favorisée » voire« très favorisée » (à l’exception du collège Sainte-Marie). De plus, s’ajoute l’importance de la question de l’intégration des populations étrangères dansune ville où l’immigration est un phénomène ancien et important.
L’origine étrangère n’apparaît pas en soi un frein à la réussite scolaire. Mais l’image de l’école, comme moyen deréussite sociale, semble mise à mal dans les familles avec le poids du chômage, tandis que la concentration des élèves étrangers dans des établissements sans mixité de milieux sociaux et de niveaux scolaires ne facilite pas leur réussite.
Au lycée, une sélection plus indirecte
La part des élèves orientés en filières professionnelles est très importante. Elle n’est pas toujours une réussite du fait, principalement, d’un manque d’information des familles les plus « défavorisées » et d’un nombre important d’abandons et d’échecs en BEP, et en bac professionnel.
Au baccalauréat, deux lycées publics roubaisiens apportent une plus-value importante dans la réussite au baccalauréat : le lycée professionnel Lavoisier et, dans une moindre mesure, le lycée professionnel Jean Moulin.
2- EVOLUTION DEMOGRAPHIQUE
Entre 2000 et 2004, une hausse démographique ne bénéficiant pas aux établissements publics
Le nombre d’élèves scolarisés dans le secondaire et résidant dans les quartiers prioritaires de Roubaix augmente un peu en quatre ans (+0,5% par an) alors qu’il diminue en moyenne dans l’arrondissement (-1,1% par an). Cette croissance démographique s’explique uniquement par le dynamisme de la natalité et la pyramide des âges roubaisienne.
Cette vitalité démographique ne profite pas aux établissements secondaires publics roubaisiens puisque, pendant la même période, les collèges publics perdent en moyenne 3,5% d’effectifs par an, les lycées publics 1,3%. A l’exception du collège Anne Frank qui gagne quelques effectifs, tous les collèges publics sont concernés, en particulier ceux situés à l’est de la commune (Albert Samain, Maxence Van der Meersch et Jean-Baptiste Lebas). Ces pertes d’effectifs occasionnent, d’après les personnes rencontrées, la disparition de 4 à 5 postes par an dans les collèges roubaisiens.
3- EVOLUTION DU PROFIL SOCIAL
Persistance d’une situation sociale très difficile
D’après les statistiques fournies par le Rectorat, la part des élèves issus de familles de PCS « défavorisées » a diminué, entre les rentrées 2000 et 2004 à Roubaix (-1,1 point) et dans ses quartiers prioritaires (-2,1 point) où elle demeure toujours extrêmement élevée (75%). Les baisses les plus importantes concernent le Cul de Four – ECHO, le Nouveaux Roubaix – Hauts Champs et le Pile. Ce taux reste extrêmement élevé : de 74,7% en moyenne dans les quartiers prioritaires, en particulier dans les quartiers de l’Alma – Fosse aux Chênes et du Pile (avec plus de 80%), ainsi que dans cinq autres quartiers enregistrant entre 75% et 80% (Sainte Elizabeth, Hommelet, Trois Ponts – Sartel – Carihem et Fresnoy – Mackellerie –Armentières).
Les acteurs de terrains sont très étonnés par la baisse enregistrée par lesstatistiques. Selon eux, elle ne doit pas être interprétée comme une amélioration de la situation sociale des roubaisiens pendant cette période. En effet, dans le même temps, entre décembre 2000 et décembre 2004, le nombre de demandeurs d’emploi toutes catégories augmente de 0,12% en moyenne par an dans la commune.
Une part d’élèves étrangers en légère baisse
Même s’il convient d’être prudent sur la réalité de la nationalité déclarée, la part des élèves de nationalité étrangère est en légère baisse dans la commune, avec 1,2 point de moins. Elle demeure élevée, à 8,9% (contre 3,8% dans l’arrondissement en moyenne). Ces élèves sont principalement présents dans six quartiers, qui comptent plus de 10% d’élèves étrangers parmi les élèves y résidant : l’Alma – Fosse aux Chênes, le Cul de Four – ECHO, l’Hommelet, le Pile, les Trois Ponts Sartel – Carihem et Anseele – Grand Centre.
4- EVOLUTION DE LA SCOLARISATION
Hausse de l’attractivité des collèges Anne Frank et Madame de Sévigné
En 2000, seuls deux collèges publics roubaisiens étaient attractifs au regard des demandes de dérogation aux secteurs de recrutement : le collège Baudelaire accueillant une population plutôt « favorisée » et le collège Maxence Van der Meersch qui recueille de nombreuses demandes pour des raisons de problèmes d’accessibilité au collège Albert Samain. En 2004, on compte deux collèges supplémentaires présentant plus de demandes pour y entrer que pour en sortir : le collège Anne Frank dans le quartier de l’Alma – Fosse aux Chênes et le collège Madame de Sévigné dans le quartier Anseele – Grand Centre. Ces regains d’attractivité s’expliquent par un travail spécifique réalisé par les principaux sur le lien avec les écoles, et l’information des parents et des élèves de CM2 sur leurs établissements.
Hausse du recours au privé au collège, stabilisation au lycée
La part des collégiens résidant à Roubaix et inscrits dans l’enseignement privé augmente de 5,6 points en quatre ans, atteignant 43,7% (contre +3 points dans l’arrondissement avec 41,2%). D’après les personnes interrogées, cette augmentation du recours au privé est liée au passage en collège car on n’observe pas le même phénomène au niveau de l’élémentaire. D’après ces personnes, la hausse du recours au privé en collège se prolonge en 2005.
Selon l’Inspection académique le mouvement se poursuivra en 2006, puisqu’on estime que 742 élèves de CM2 des écoles primaires publiques de Roubaix n’iront pas dans un collège public à la rentrée.
D’après les personnes rencontrées, le recours au privé est motivé par plusieursraisons : le désir des populations les moins en difficultés de rester entre elles, l’impression d’offrir plus de chances de réussite à son enfant, la demande d’un service par l’encadrement de l’enfant de 8 heures à 18 heures. Ce recours important au privé est problématique car il concerne de manière importante la population la plus « favorisée ».
La légère amélioration du profil social des familles dans les quartiers ne se retrouve pas dans les collèges
La part des élèves issus de familles de PCS « défavorisées » dans les collèges roubaisiens reste en moyenne la même en 2004 qu’en 2000, alors qu’elle diminue légèrement dans les quartiers (-1,2 point). Quelques baisses sont observées dans les établissements où la population est la plus massivement en difficulté (dans les collèges Jean-Baptiste Lebas, Albert Samain et Anne Frank), mais les taux d’élèves « défavorisés » restant très élevés (plus de 85%), cela ne représente pas une différence pour les acteurs de terrain. Au collège Anne Frank, cette baisse est en lien avec celle des boursiers (passage de 85% à 81% d’élèves boursiers hors Segpa), mais dans les collèges Jean-Baptiste Lebas et Albert Samain, cette baisse est contredite par la hausse de la part des boursiers (respectivement +11 points passant à 80% d’élèves boursiers, et +8 points passant à 85%).
En revanche, la hausse de la part des populations les moins « favorisées » au sein du collège Baudelaire (+11,6 points, atteignant 52,1%) est fortement ressentie dans l’établissement selon le principal et confirmée par la hausse de la part des boursiers. Cette évolution est certainement à mettre en lien avec la hausse du recours au privé dans le quartier Vauban –Barbieux – Edouard Vaillant. De même, certains collèges privés de la commune accueillent une part de plus en plus importante d’élèves issus de familles de PCS « défavorisées » : le collège Pascal (59,8%) et le collège Saint-Michel (67,8%). En particulier, au collège privé Pascal, la part des boursiers augmente considérablement passant de 30% à 51% en quatre ans.
Six collèges de Roubaix comptent plus de 84% d'élèves issus de familles de PCS« défavorisées », plus de 70% de boursiers et accueillent donc des publics complètement homogènes : Anne Frank, Jean-Baptiste Lebas, Madame de Sévigné, Albert Samain, Jean- Jacques Rousseau, Sainte-Marie et Maxence Van der Meersch. Trois collèges accueillent une population intermédiaire où subsiste une certaine mixité sociale : les collèges privés Saint- Michel (68%), Pascal (60%) et le collège public Baudelaire (52%). Deux collèges, privés, accueillent une population nettement plus « favorisée » que la moyenne roubaisienne, Saint- Exupéry (37%) et Jeanne d'Arc (7,5%).
Accentuation de la concentration des élèves étrangers au sein des collèges
Alors que la part des élèves de nationalité étrangère est globalement en baisse dans les collèges roubaisiens, elle augmente dans les deux établissements du quartier Alma – Fosse aux Chênes : +4,2 points au collège Anne Frank atteignant 19,8%, +2,1 points au collège Sainte-Marie atteignant 10,1%. Quatre collèges roubaisiens accueillent plus de 14% d’élèves issus de familles de PCS « défavorisées » : Anne Frank, Madame de Sévigné, Albert Samain et Maxence Van der Meersch.
Renforcement de la spécificité des lycées professionnels, maintien d’une plus grande diversité dans les lycées généraux et technologiques
En 2004, comme en 2000, les lycées professionnels roubaisiens accueillent les parts les plus importantes d'élèves issus de familles de PCS « défavorisées ». Les quatre lycées professionnels publics enregistrent des taux de plus de 80% à la rentrée 2004, contre trois en 2000 : le lycée professionnel public Louis Loucheur accueille, en effet, une population légèrement moins « défavorisée » en 2000 avec un taux de 74,4% d' élèves issus de familles de PCS « défavorisées » contre 84,6% en 2004, soit +10,2 points.
Dans les lycées généraux et technologiques, la part des élèves issus de familles de PCS « défavorisées » est plus variée selon les établissements : de 75,7% au lycée Jean Moulin à 20,5% au lycée ESAAT. Entre ces deux établissements, on trouve des lycées « intermédiaires » accueillant tous les types de publics : un public assez « défavorisé » mais plus mélangé pour les lycées Maxence Van der Meersch (62,6%), Léonard de Vinci (60,7%) et Jean Rostand (57%), un public proche de la moyenne de l'arrondissement dans les lycées Saint-Martin (49,9%) et Baudelaire (49,8%), un public un peu plus « favorisé » que la moyenne de l'arrondissement au lycée Saint-Rémi (32,1%). Dans les lycées généraux et technologiques, les évolutions les plus importantes sont à la baisse du taux d’élèves issus de familles de PCS « défavorisées » et concernent les lycées Léonard de Vinci (-9,2 points) et ESAAT (-7,9 points).
5- EVOLUTION DES PARCOURS SCOLAIRES
Un retard en sixième stable à un niveau élevé
Globalement, la part des élèves de sixième en retard de deux ans ou plus est stable dans les collèges roubaisiens alors qu’elle diminue dans l’arrondissement. Ce taux de retard reste élevé (8,3% en moyenne, contre 4% dans l’arrondissement de Lille).
Toutefois, collège par collège, les variations peuvent être importantes en fonction des différentes politiques de redoublement menées par les écoles, ainsi qu’en fonction des retours d’élèves de Belgique, ou de l’arrivée d’élèves primo-arrivants.
Les parts les plus élevées concernent les collèges Anne Frank, Jean-Baptiste Lebas, Madame de Sévigné et Jean- Jacques Rousseau, alors que les équipes enseignantes des secteurs des collèges Albert Samain et Maxence Van der Meersch ont choisi d’appliquer plus strictement les consignes sur la suppression du redoublement.
Aux évaluations nationales à l’entrée en 6ème, des résultats en baisse en français, en hausse en mathématiques
Comme la plupart du temps dans les quartiers de la géographie prioritaire, les résultats aux évaluations nationales à l’entrée en sixième sont en baisse en français et en hausse en mathématiques entre les rentrées 2000 et 2005. En particulier, les résultats sont fortement en baisse en français au collège Baudelaire, collège où par ailleurs la proportion d’élèves issus de familles de PCS « défavorisées » augmente beaucoup. A l’inverse, les résultats sont en amélioration pour les deux matières au collège Anne Frank, collège qui trouve un regain d’attractivité pendant cette période.
Les acteurs de l’Education nationale interrogés soulignent que de nombreuses écoles de Roubaix obtiennent des résultats supérieurs aux moyennes nationales en Réseau d’Education Prioritaire. Ils insistent sur l’importance du suivi individualisé des élèves qui a été mis en place grâce aux moyens offerts dans le cadre des différents dispositifs d’éducation prioritaire : REP, Réussite éducative, Ambition – réussite.
Hausse de l’orientation en seconde générale et technologique
En moyenne, dans les collèges roubaisiens, la part des élèves de troisième orientés en seconde générale et technologique augmente de presque 7 points en quatre ans, atteignant 52%. Les hausses les plus importantes concernent les collèges privés : Jeanne d’Arc, Pascal, Saint-Michel et Saint-Exupéry. Deux collèges publics voient également augmenter l’orientation vers les filières générales et technologiques : le collège Anne Frank (+6 points, atteignant 44,2%) et le collège Madame de Sévigné (+3,8 points, atteignant 47,2%).
A l’inverse, l’orientation en filières professionnelles augmente dans la plupart des collèges publics en lien avec la volonté de valoriser ce type d’enseignement et grâce à une politique de dialogue avec les familles pour le choix de l’orientation.
Des résultats au baccalauréat en lien avec l’évolution du profil social des familles
Parmi les sept lycées généraux et technologiques de Roubaix dont les résultats au baccalauréat sont connus en 2004, cinq apportent une plus-value pour l’accès de leurs élèves depuis la seconde jusqu’au diplôme compte tenu de l’origine sociale et de l’âge des élèves :Saint-Martin et Saint-Rémi dans l’enseignement privé, Jean Rostand, l’ESAAT et Baudelaire dans l’enseignement public.
Les deux lycées généraux et technologiques qui n’apportent pas de plus-value pour l’accès de seconde au diplôme, Maxence Van der Meersch et Jean Moulin, sont les deux établissements qui accueillent les parts les plus élevées d’élèves issus de familles de PCS « défavorisées » (respectivement 63% et 76%).
Ces établissements accueillent très régulièrement des élèves n’ayant pas vocation à préparer le baccalauréat (primo arrivants en attente d’une orientation en BEP par exemple). Il est donc difficile de comparer le taux d’accès au baccalauréat de leurs élèves avec ceux des élèves des autres établissements.
Parmi les six lycées professionnels roubaisiens, deux assurent une plus-value pour l’accès de première au baccalauréat : il s’agit des deux lycées privés, Gilbert Cesbron et Léonard de Vinci. Là aussi, les lycées publics, qui présentent une moins-value, accueillent la population la plus « défavorisée » (plus de 80% d’élèves issus de familles de PCS « défavorisées » contre 60% à 65% dans le privé).
Les acteurs interrogés soulignent que certains lycées privés sélectionnent les élèves avant la seconde. Il y a donc une inégalité entre les deux systèmes d’enseignement, l’un pouvant « trier » ses élèves à l’entrée et l’autre accueillant le plus grand nombre.