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video Roubaix 2008

11 janvier 2008 5 11 /01 /janvier /2008 11:50
Des noms de rues pour porter la mémoire des hommes et des femmes des cités populaires

Le 1er juillet 2004 à Marseille, le boulevard Jourdan prolongé a été officiellement renommé rue Mahboubi Tir, en hommage à un habitant du Grand-Saint-Barthélémy, dans les quartiers nord. Cette initiative, associant habitants et pouvoirs publics, témoigne d’une volonté de se réapproprier des espaces urbains dépersonnalisés, à travers un long travail de mémoire réhabilitant l’histoire des hommes et des femmes qui y vivent, et qui les font vivre. Au-delà de l’acte “commémoriel” symbolique, les associations regroupées autour de la Maison de quartier de la Busserine et du Comité Mam’Éga s’attachent à renforcer les liens intergénérationnels et intercommunautaires, notamment au travers de créations culturelles et d’actions publiques, pour mieux transformer la rage contre la précarité sociale ambiante en énergie positive.


 

Inauguration de la rue Mahboubi Tir, en hommage à un personnage marquant du quartier

Qui d’entre nous ne s’est pas, un jour ou l’autre, demandé qui était tel ou tel personnage dont le nom figure sur les plaques des rues, sans être toujours référencé dans le dictionnaire des noms propres ? Aujourd’hui, une plaque toute neuve du quatorzième arrondissement de Marseille indique : rue Mahboubi Tir, commerçant (1914-1997). Les habitants des quartiers nord de Marseille expliquent fièrement qui était ce monsieur. Petit épicier sans fortune originaire des montagnes de l’Aurès, il a ouvert une première boutique en lisière du bidonville à la fin des années 50, puis avec l’urbanisation galopante de tout le secteur il s’est installé en 1976 au carré de la Busserine. 
Les autres commerçants ont fini par partir, mais monsieur Tir, lui, est resté. En quarante ans, il a connu parmi ses clients plusieurs générations d’habitants : les gens des baraques, puis les nouveaux arrivants dans les cités, d’origine maghrébine, afro-antillaise ou comorienne.

Son magasin était un lieu de rencontre, accueillant à la fois les enfants et les anciens qui venaient jouer aux cartes ou aux dominos, tous respectueux de cet homme qui avait importé avec lui la fonction de juge des affaires civiles exercée par son père, cadi ou adjoint au cadi à Khenchela en Algérie. Dans la mémoire collective, monsieur Tir représentait la figure du sage, commerçant généreux mais exerçant aussi une certaine autorité. Comme l’écrit Karima Berriche, auteure du livre Monsieur Tir, un marchand de bien, il “s’est appuyé sur des modes citoyens issus de sa culture d’origine”.
Mahboubi Tir était ainsi un médiateur et un passeur. En assurant leur devoir de mémoire, pour transmettre une histoire des hommes et des femmes entremêlée à celle du quartier, les nouvelles générations espèrent aussi être à la hauteur pour prendre le relais.

 

Du bidonville à la “ZUP centre”, l’émergence d’une parole habitante

Tout d’abord, les acteurs socioculturels et associatifs parlent du “Grand-Saint-Barthélemy” pour désigner un ensemble de cités (Font-Vert, Picon, la Busserine, le Mail, les Iris, les Flamants, …), une dénomination officieuse par opposition à celle de “ZUP centre” des urbanistes. Dans les années 40, il y avait là des jardins ouvriers, dont les cabanes seront progressivement occupées par des Algériens, pour l’essentiel des soldats de la guerre 1939-1945 démobilisés et en attente de leur pension. 
Les délais se prolongeant, ils ont fait venir leur famille et le bidonville s’est étendu. Puis, de 1960 à 1975, près de 9 000 logements sociaux ont été construits pour reloger les populations du centre ville ou des bidonvilles ainsi que les rapatriés d’outre-Méditerranée. 
L’absence ou l’inadéquation des équipements scolaires et socioculturels vont en réaction provoquer l’émergence d’une mobilisation des habitants des cités, souvent emmenée par des femmes.

En 1969, Françoise Éga, écrivaine, arrière-petite-fille d’esclave, assure par exemple un encadrement religieux et scolaire pour les enfants et des étudiants antillais. Depuis 1988, le Comité Mam’Éga - nommé ainsi en son hommage - perpétue son engagement par la lutte contre l’illettrisme et l’exclusion. 
Madame Maaskri, elle, s’offusque de l’absence d’école dans la cité des Flamants. Avec l’appui d’autres parents, elle monte au créneau pour obtenir cette école. Elle accueille aussi chez elle les jeunes qui se retrouvent dehors depuis la fermeture d’un centre social vandalisé. La place des jeunes dans la cité devient en effet une préoccupation majeure.

Yaoulidi, mon fils !

Sur fond de chômage, la tension s’accroît, et le quadrillage policier est vécu comme une provocation. Le 18 octobre 1980, un drame va défrayer la chronique : le jeune Lahouari Ben Mohamed dit Houari est assassiné par le CRS Taillefer lors d’un contrôle à la Busserine.
 Quatre mois après, le 20 février 1981, Zahir Boudjellal, 17 ans, est tué par un “tonton-flingueur”, toujours à Marseille. Les familles des victimes vont réagir avec une très grande dignité, forçant au respect des jeunes au bord de l’émeute. 
Les mères et les sœurs s’imposent comme des figures du quartier. L’association des Femmes maghrébines en action (Afma) sera ensuite créée pour que justice soit rendue. Les jeunes aussi réussissent à transformer leur rage en énergie positive.
 Ils s’organisent. Leur club de foot nomme le petit stade des Flamants en hommage à Houari. Une petite troupe de théâtre, où l’on retrouve plusieurs membres de la famille Maaskri, démarre avec la pièce Yaoulidi (mon fils), toujours en hommage aux jeunes disparus. Et Mohamed Bouzidi compose une chanson du même nom. 
On assiste là aux prémisses d’un nouveau mouvement culturel initié par les jeunes issus de l’immigration, également perceptible dans d’autres endroits en France. 
L’association Ganacj se constitue alors dans la perspective d’un réseau inter-cités prônant l’autonomie des jeunes et le développement de créations culturelles pour contrecarrer les représentations dégradantes de l’immigration et de l’ensemble des habitants des cités populaires.
 Le départ depuis Marseille de la Marche pour l’égalité et contre le racisme en 1983 renforcera enfin le sentiment d’un nouvel espoir, accompagné par des programmes de réhabilitation du bâti et de nouveaux dispositifs publics associant davantage les habitants.

L’apport des chibanis et des chibanias dans une histoire commune

Le bouillonnement du début des années 80 va susciter de nombreuses vocations professionnelles, sociales et culturelles, avec pour épicentre les Flamants et la Busserine. Vingt ans après, bien des souffrances auront été soulagées. Les acteurs associatifs et les habitants ne cèdent pas pour autant à l’oubli. A l’occasion du Festi’quartier, la fête estivale tenue du 15 au 17 juillet 2004 dans ces mêmes quartiers, ils ont procédé à une marche symbolique en hommage à Lahouari Ben Mohamed. Une gerbe de fleur a été déposée sous la plaque commémorative accrochée au grillage du petit stade des Flamants
Karima Berriche fait alors part de sa désapprobation : la plaque ne porte que le prénom de Houari. Sa filiation est ainsi négligée. 
Un “oubli” qui, en l’état, vient contrarier les efforts actuels pour restituer l’apport des chibanis et des chibanias (les “vieux” en arabe) dans l’histoire commune
Elle réclame que figure le patronyme complet : Lahouari Ben Mohamed.
 Si le stade devrait être détruit dans le cadre d’une énième - et hypothétique - réhabilitation du quartier, elle annonce le souhait partagé qu’une nouvelle rue porte ce nom. 
Une revendication qui devrait à son tour être discutée lors d’une prochaine réunion de la commission des rues de la ville de Marseille.

 
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commentaires

M
Monsieur Tir,<br /> <br /> Je m'excuse auprès de vous. L'article n'est pas de vous mais d'un certain Mogniss H.Abdallah. D'ailleurs je m'étonnais que vous ne faisiez pas réference à la situation roubaisienne. Encore une fois mille excuses.
Répondre
S
Merci de l' ensemble de vos réactions. Je pense que vous avez saisi toute la saveur de l' homonymie et du second degré présidant à la publication de cet article. Je n'aborde pas la situation roubaisienne, vous avez raison, car elle relève encore, malgré le discours expert permanent sur " l'intégration ", de pratiques et de représentations  fondées sur des caricatures de l' avant dernier siècle.cordialement
M
Monsieur Tir,<br /> <br /> Vous vous félicitez que la ville de Marseille ( 2ème plus grande ville de France) a donné le nom d'une rue à l'un de ses citoyens d'origine maghrébine. J'ose pensé que ce n'est pas parcequ'il à le même patronyme que le votre. Nul besoin d'allait si loin. Je vous invite à prendre l'annuaire des villes de Seine Saint Denis et de lire le nom des rues, vous découvrirez que de nombreuses noms de rues à consonance maghrébine. Preuve d'une véritable prise en considération des populations qui vivent sur ces territoires.Dommage que dans votre article vous ne faîtes pas référence à Roubaix, ville dont la proportion de personnes d'orgine maghrébine est sans doute la plus forte en France où aucune rue ne porte un nom d'une personne issue du maghreb. Ceci est révélateur de mentalité la qui prévaut au sein de la municipalité, où les arabes sont considérés comme des éternels enfants à qui il faut faire la leçon, distribuer des subventions en fonction du degré d'allégence à la baronnie locale (PS). Il suffit de jeter un oeil à l'organigramme de la ville pour s'en convaincre.Le bulletin de vote des arabes oui, la considération, non!!!
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