Pour Mme Royal, qui rêve d'une alliance allant du centre aux altermondialistes de la gauche de la gauche, le MoDem n'offrait pas son meilleur profil. M. Bayrou ne pouvait pas s'allier avec un PS auquel il tentait de ravir sa mairie de Pau, et alors que sa stratégie d'alliances au cas par cas - tantôt avec le PS, plus souvent avec l'UMP, comme avec Alain Juppé à Bordeaux - visait à préserver coûte que coûte son autonomie au risque d'être illisible. Et d'apparaître in fine contre-performante.
L'alliance entre le PS et le MoDem a été "emblématisée" dans quatre villes dès le premier tour.
A Dijon, François Rebsamen, numéro deux du PS et ancien codirecteur de campagne de Mme Royal, a voulu faire de sa ville le laboratoire d'une gauche arc-en-ciel - rouge, rose, vert, orange - en réunissant sur sa liste les communistes (qui se sont divisés), les radicaux, les Verts et le MoDem. Dans une ville qui a voté majoritairement pour Nicolas Sarkozy, le maire de Dijon a gagné son pari. Il a été réélu, dès le premier tour, avec 56,17 %, soit une progression de 14 points par rapport à 2001.
Dans les trois autres villes, les alliances PS- MoDem ont fait carton plein, mais ont généré des effets secondaires. A Grenoble, le maire PS, Michel Destot, a fait cohabiter, sans dissidence, toutes les composantes de la gauche avec le MoDem, mais il a rompu avec les Verts. M. Destot a réussi son challenge, progressant de 13 points au premier tour, mais au prix d'un renforcement des Verts, qui ont obtenu 22,49 % le 16 mars, récoltant ainsi d'un tour à l'autre 7 points de plus. A Roubaix et à Montpellier, mêmes cas de figure : les Verts sont restés en dehors de l'arc-en-ciel. A Roubaix, le maire PS, l'ex-centriste René Vandierendonck a été bien réélu, mais les Verts ont réalisé un très bon score (18,06 %). De même à Montpellier, la maire PS, Hélène Mandroux, s'est aliénée les Verts en s'alliant avec le MoDem. Elle l'a emporté mais, d'un tour à l'autre, les Verts, qui ont fusionné avec la LCR, ont obtenu 18,62 %, gagnant 7,5 points.
L'ARC-EN-CIEL N'A PAS FAIT SES PREUVES
Au deuxième tour, dans les villes de plus de 25 000 habitants, neuf alliances PS-MoDem ont été observées. A Paris, Bertrand Delanoë a marqué sa différence avec Mme Royal en ne cédant pas au mirage centriste, quitte à se priver d'arrondissements supplémentaires. A Lille, Martine Aubry a créé la surprise en s'alliant avec les Verts et avec le MoDem. La maire de Lille, brillamment réélue (66,56 %), n'avait pas besoin du centre pour garder sa mairie mais pour conquérir la communauté urbaine. "C'est un accord politique, pas électoraliste", a souligné Mme Aubry quitte à se priver d'une arme dans son combat contre Mme Royal pour l'empêcher de diriger le PS. Dans deux autres villes - Asnières et Poissy -, l'alliance PS-MoDem a permis de battre des maires UMP. A Aubagne, le maire communiste a été reconduit grâce à un accord inédit avec le MoDem - désavoué par M. Bayrou -, mais dans quatre autres villes où la partie était jouable - Chartres, Melun, Perpignan, Sèvres - l'axe socialo-centriste a échoué. A Marseille, l'aide du centre n'a pas suffi au PS pour l'emporter. Mais à Toulouse, le PS a gagné sans son renfort.
Le bilan des alliances PS-MoDem, peu nombreuses, s'avère plutôt modeste. Rarement nécessaire, l'arc-en-ciel a été souvent insuffisant. La nouvelle alliance n'a pas fait ses preuves. Les municipales et les cantonales ont globalement validé la stratégie de "rassemblement de la gauche" défendue par François Hollande, même si celle-ci a été sévèrement mise à mal entre socialistes et communistes en Seine-Saint-Denis. Mais, de la même façon que le PS gagne des élections "intermédiaires" mais perd des élections nationales, la résistance municipale de l'union de la gauche ne rend que plus criante la faiblesse de cette même gauche à l'élection présidentielle. En 2007, les sept candidats de gauche et d'extrême gauche ont rassemblé 36,44 %... Le score que le PS ambitionne désormais de faire à lui tout seul.
En 2008, le mirage du centre s'éloigne d'autant plus que M. Bayrou, replié sur un parti anémié et laminé, récuse toute alliance avec un PS dont il fustige tantôt "l'archaïsme" et tantôt "l'immobilisme". Malgré ses déboires, il fait le pari d'un double échec du quinquennat de M. Sarkozy et de la mutation "social-démocrate" du PS, espérant rebondir, à l'élection présidentielle de 2012, sur les ruines de la droite et de la gauche. Mirage en 2008, l'ouverture au centre a toutes les chances de revenir en 2012. Après son appel au MoDem, Mme Royal a vite rectifié le tir, précisant qu'elle s'adressait à ses "électeurs". Les dernières présidentielles où la gauche était au deuxième tour - 1995 et 2007 - ont montré que ce sont les électeurs centristes qui ont manqué à l'appel pour faire la différence.
Un changement de cette équation dépend de la rénovation que le PS tente d'amorcer alors que s'esquisse encore une nouvelle guerre des chefs. Il lui faut réapprendre à parler aux couches populaires et aux classes moyennes, réinventer la gauche sans faire fuir la gauche de la gauche et sans inquiéter l'électorat centriste, changer, comme dit Julien Dray, sans "perdre son âme". Rudes défis !