Texte de Marie-Christine Blandin, Sénatrice du Nord ( les Verts), Vice- présidente du groupe n°2 « Biodiversité », et Vice-présidente de l’intergroupe OGM du Grenelle de l’Environnement.
Jeudi 10 avril 2008.
La tension exceptionnelle qui entoure le débat sur les OGM au Parlement est un violent retour de flammes du décalage entre la production du Grenelle de l’environnement et les habitudes parlementaires.
Tant que les bonnes idées des ONG pouvaient servir de carburant à la communication de l’Elysée, la majorité n’y voyait pas d’inconvénient.
Mais la mise en œuvre du Grenelle, dans sa phase d’élaboration s’est avérée autrement exigeante, du simple fait des mécanismes de la démocratie participative.
Pendant que les parlementaires de Droite en restaient à leurs archaïsmes, acteurs syndicaux, associatifs, économiques élaboraient sérieusement les mutations indispensables.
De spectateurs indifférents, les élus nationaux sont devenus sourcilleux, mais toujours aussi peu documentés. L’opposition, pour sa part, s’est contentée de dénoncer le probable marché de dupes et de mettre en avant d’une part les contradictions du gouvernement ami des lobbies bétonneurs et pollueurs, d’autre part les avancées de nombreuses villes et régions à Gauche.
Les premières annonces du Grenelle ont rassuré la majorité : aux thèmes santé, recherche publique, biodiversité ; le discours ; aux secteurs des entreprises des parts de marchés nouvelles pour vendre des voitures et isoler le bâti.
C’est au pied du maïs MONSANTO 810 que s’est fait le choc des cultures : le gel annoncé, puis l’installation d’une Haute Autorité alliant chercheurs et acteurs de la société, son verdict accablant, puis la proposition de Clause de Sauvegarde n’étaient que le fruit légitime de la confrontation féconde et de l’intelligence collective.
La majorité parlementaire furieuse, se sentant « larguée », « spoliée » de sa puissance, y a répondu par la force et l’autisme.
Autisme face à des consommateurs qui ne veulent pas d’OGM dans leurs assiettes. Autisme face à une jeunesse qui hurle que quand la contamination sera répandue, elle subira les arbitrages irresponsables de parlementaires qui ne seront pour certains plus de ce monde. Autisme face à la fragilisation des AOC, de l’agriculture biologique, et des équilibres construits sur la biodiversité.
Force ensuite, contre le Sénateur Le Grand, nourri de la richesse des experts indépendants, qui a osé dénoncer la force des lobbies dans le Parlement et a refusé la pente facile d’une agriculture que l’on mène dans l’impasse pour le profit de quelques uns.
Vive la belle et courageuse captation d’images des propos du Sénateur rapporteur Bizet dont pas une proposition ne déroge aux vœux les plus chers de MONSANTO ! On le voit, dans un reportage grand public, souffler à l’oreille d’un collègue à propos du Sénateur Le Grand « il a été exécuté à 2h38 du matin, mais il bouge encore... ».
Force contre la Ministre Kosciusko-Morizet, discrète mais convaincue, contre laquelle se sont déchaînés tous les quolibets machistes. La demande des excuses publiques est démesurée, comparée à la tolérance quotidienne des critiques acerbes de collègues masculins.
Les effets collatéraux sont aussi de mise : les chercheurs qui révèlent le côté peu fiable des manipulations génétiques, comme le lanceur d’alerte Christian VELOT, voient les budgets de leur équipe supprimés
La loi est revenue en débat au Sénat, le Premier Ministre a verrouillé ses troupes et promis de revenir sur les quelques avancées protectrices.
Cela révèle, si nécessaire, le crédit que l’on peut donner à la prétendue « revalorisation du rôle du Parlement » dans les réformes institutionnelles à venir !
Un montage assez démoniaque a permis au rapporteur Bizet et à Borloo, sous surveillance de Barnier, de rejeter les 96 amendements des Sénateurs. Les articles concernés deviennent alors figés en l’état, et ne termineront pas leur navette à l’Assemblée.
En revanche, un amendement unique Bizet, approuvé par le Ministre, a dévitalisé l’amélioration de l’article 1 (« dans le respect de l’agriculture traditionnelle labellisée, biologique »).
La conséquence, non négligeable, en est le retour devant l’Assemblée de cet article, désormais cible promise du Président Ollier (UMP), avec la bénédiction de Fillon. Retour à la triste case départ.
A ce sujet, les paroles retransmises par Mediapart, du Sénateur socialiste du Tarn : Jean-Marc Pastor, à la sortie du clash de la Gauche (séance quittée devant un tel verrouillage) sont inquiétantes « N’importe lequel d’entre nous aurait pu le voter ». [l’amendement Bizet].
Après l’incapacité de la majorité de lui donner suite, il restera du Grenelle de l’Environnement un grand livre Blanc pour la société en débat, et pour les partis de Gauche, « normalement » soucieux de l’intérêt général, de la solidarité ici et maintenant, ailleurs et demain, un défi pour l’urgence environnementale et sanitaire.
L’éthique en politique voit au-delà des lobbies et des bénéfices à court terme, et donne sens à l’action en remettant l’homme au cœur du projet de notre société.