Charlie Hebdo suspendrait sa collaboration avec le caricaturiste. Siné a refusé, après de longues négociations, de participer à une tentative de médiation visant à publier un texte pour expliquer un passage très contestable de sa dernière chronique.
Jusqu'à dimanche, Siné était d'accord pour signer un texte « apocryphe » (c'est à dire écrit par un médiateur interne) de rectification, que nous reproduisons ici :
« Ma « Zone » d'il y a deux semaines sur Jean Sarkozy a suscité beaucoup de réactions. Je me suis fait traiter d'antisémite sur RTL, et on m'a même rapproché de ce salaud de Konk. Mes amis de Charlie se sont émus. J'ai relu… Bon, c'est vrai que ça pouvait être mal interprété… Je voulais dénoncer l'imbécillité de se convertir à une religion quelle qu'elle soit et, par ailleurs, la fascination de la famille Sarkozy pour le fric. J'ai synthétisé mon propos, et, au final, il en est resté ce qui peut être analysé comme un raccourci ambigu et condamnable. Je présente mes excuses auprès de ceux qui l'ont compris comme tel», pouvait-on lire dans le texte qu'il ne signera pas.
Le dessinateur de Charlie explique qu'il y a renoncé parce que, en plus de cet article, un texte signé par l'ensemble de la rédaction de Charlie Hebdo devait figurer dans le journal à paraître mercredi. Il a pris cette initiative comme « une pétition contre lui » et a trouvé ça « dégueulasse ». Fâché, il a donc « refusé de s'excuser ». Voici le texte en question : « Nous sommes habitués aux fantaisies de Siné. C'est le charme du personnage, mais la dernière ne nous a pas fait rire du tout. Nous la réprouvons unanimement, et sommes ravis qu'il en fasse autant. Quant à nos confrères du site Marianne2, qui s'inquiètent de l'ambiance au sein du journal, nous les rassurons, elle est au moins aussi bonne que chez eux. À Charlie, nous sommes habitués aux débats internes, même virulents. Ils nous enrichissent, et nous pensons qu'ils enrichissent aussi nos lecteurs. Nous les vivons sereinement et souvent gaiement. Pour autant, les atteintes à nos valeurs communes n'ont pas leur place dans ce journal»
Résultat : toute médiation échouant pour le moment, la direction suspend sa collaboration avec Siné. Même si, finalement, le texte « pétition » qui a outré Siné ne sera même pas dans le journal puisque toute la rédaction ne l'a pas signé comme prévu. ( La Presse dont Marianne )
La position de Philippe Val est totalement illogique. Lui qui défendait la liberté d'expression lors de la polémique sur la publication dans Charlie Hebdo de caricatures de Mahomet, ne défend-il donc plus la liberté d'expression de la plume de Siné ?
Par exemple : 11 juin 2008, dans Charlie Hebdo, voici ce qu'écrivait le même Siné : «Je n'ai jamais brillé par ma tolérance mais ça ne s'arrange pas et, au risque de passer pour politiquement incorrect, j'avoue que, de plus en plus, les musulmans m'insupportent et que, plus je croise les femmes voilées qui prolifèrent dans mon quartier, plus j'ai envie de leur botter violemment le cul !» Puis il continue, et on peut lire de sa plume : «Leurs maris barbus embabouchés et en sarouel coranique sous leur tunique n'ont rien à leur envier point de vue disgracieux. Ils rivalisent de ridicule avec les juifs loubavitchs ! Je renverserais aussi de bon coeur, le plat de lentilles à la saucisse sur la tronche des mômes qui refusent de manger du cochon à la cantoche».
Qu' ont dit ou fait Val et Askolovitch ?? ......
"Des larbins, des lèche-culs"
Que cherchiez-vous à souligner au travers du texte paru le 2 juillet dans Charlie dans lequel vous évoquiez une conversion au judaïsme de Jean Sarkozy ?
- Je souhaitais dénoncer l'attitude de Jean Sarkozy qui se convertit, selon moi, pour épouser une millionnaire. C'est un mauvais procès qu'on me fait. Et d'ailleurs l'avocat rigole bien. Surtout quand on voit la défense d'Askolovitch qui affirme reprendre des propos de Val, qui lui même aurait agi en fonction de ce que lui avait dit Askolovitch… je crois qu'on va se marrer. De toute façon, maintenant, le mec qui dit que je suis un antisémite je lui colle un procès. Cela fait 50 ans que je me bats contre toutes les formes de racisme, je ne peux pas tolérer ce genre d'accusations.
Mais comprenez-vous que certains, comme d'ailleurs Claude Askolovitch, voient de l'antisémitisme dans votre texte ?
- Ceux qui pensent cela sont soient des cons, soient des personnes de mauvaise foi. Comme je le dis toujours, on ne peut pas lutter contre la bêtise. Pour les autres… Aujourd'hui on ne peut plus dire le mot juif sans être attaqué de toutes parts. Mais, d'ailleurs, on ne peut plus rien dire, il faut trouver d'autres formules: non-voyant pour aveugle…
Je pense surtout que Philippe Val n'a pas digéré le fait que je prenne la défense de Denis Robert [ndlr: journaliste qui a écrit sur l'affaire Clearstream] dans cette même chronique et que c'est pour ça qu'il veut me virer.
Vous aviez déjà un différend avec Philippe Val ?
- Cela fait deux ans qu'il veut me virer. Il déteste tout ce que je représente, la vraie gauche. Il n'osait pas, et hop, il a déniché un truc pour m'accuser d'antisémitisme. Il a cherché un peu et a trouvé un spadassin pour m'assassiner. Et L'Observateur, qui accueille Askolovitch dans ses colonnes, c'est vraiment un "tas de m…".
Et tous les autres ont rampé. Pas un n'a moufté. Il y a vraiment des larbins, des lèche-culs quand même. A part trois qui m'ont apporté un vrai soutien et Cavanna qu'on n'avait même pas tenu au courant. Je l'ai eu au téléphone. Il est dégouté de voir ce qu'est devenu son journal. A 85 ans, il en parle avec des sanglots dans la voix.
Non, c'est vraiment une crapule ce type et ce qu'il a fait va largement au-delà de ma personne. C'est une atteinte à la liberté de la presse. Quand on fait des articles contre les musulmans, alors là, ça ne lui pose pas de problème.
Val pensait que ça allait bien se passer, mais, mon cul, ça va chier. On laisse entendre que je suis malade mais je n'ai jamais été aussi en forme. Il s'est dit : "c'est un vieux mourant, il ne va pas réagir". Mon cul !
Que comptez-vous entreprendre ?
- Déjà demain j'envoie ma rubrique car je n'ai pas reçu de lettre de licenciement. Val ne va sans doute pas passer mon truc mais bon on verra bien. Et puis j'ai un tas de soutiens, Bedos vient d'ailleurs de m'envoyer un texte, et une pétition a été lancée qui doit être signée par tout un tas de gens dont un ancien ambassadeur d'Israël je crois. Tout ça prend de l'ampleur!
Interview de Siné par Céline Lussato (Nouvel Observateur )
(le vendredi 18 juillet 2008)