Relaxe pour l'élue verte
Publié le jeudi 18 décembre 2008 à 06h00
L'assistance est nombreuse et attentive dans la salle, l'ambiance sérieuse. Annette Rimbert, écologiste de Baisieux, a refusé de se laisser prélever les traces ADN suite à un fauchage contesté.
Le 14 août 2004, à Greneville-en-Beauce, paisible localité du Loiret, une parcelle de maïs transgénique était détruite par des faucheurs écologistes. Parmi eux, Annette Rimbert, conseillère municipale à Baisieux. « Il s'agissait de Monsanto 810, un maïs OGM aujourd'hui interdit en France » fait remarquer l'élue verte. Au final, devant la cour d'appel d'Orléans, deux mois de sursis et 2 000 euros d'amende tombent sur chacun des faucheurs.
Reste une tracasserie administrative : les auteurs de « dégradations volontaires », pour reprendre l'incrimination légale, sont soumis au prélèvement d'ADN pour alimenter les grands fichiers de la police. Et, lorsque l'heure du prélèvement est venu (un peu de salive enlevé au coton-tige), Annette Rimbert dit « non ».
Hier, face au président René Zanatta, elle confirme : « Je ne suis pas une criminelle, j'estime ne pas être non plus une délinquante, c'était pour alerter l'opinion et ce maïs est désormais interdit, je ne suis pas coupable ».
Le président soupire : « Vous n'êtes pas coupable mais vous avez été condamnée ». Annette Rimbert le répète : « Aujourd'hui ce maïs est interdit. J'ai toujours été non-violente ». Le président contre-attaque : « L'ADN peut être demandée dans certains cas. Mais les empreintes digitales, tout le monde les donne sans problème. C'est la même chose au fond pourtant, ça revient au même pourtant ! » Et René Zanatta d'ajouter : « Les fichiers d'empreintes sont centralisés y compris sur un plan européen, pourquoi faire une fixation sur les prélèvements ADN ? »
Spécialiste de la génétique humaine
Contre-attaque de la défense avec un témoin : une spécialiste de la génétique humaine venue de Paris pour témoigner au procès. La jeune femme explique que ce n'est pas du tout la même chose : « Les empreintes ne peuvent servir qu'à l'identification d'une personne. Les traces ADN peuvent servir à ça mais aussi à bien d'autres choses. On ne sait pas ce qu'il en sera demain. Mais, dès aujourd'hui, l'étude de l'ADN peut permettre de trouver des maladies, des prédispositions au cancer ou à des maladies cardio-vasculaires, l'origine ethnique, des risques d'obésité, etc. En fait, avec les traces ADN relevées dans un banal crachat, on découvre toute une personnalité. Que se passera-t-il si un homme ou une institution mal intentionnés mettaient la main sur de telles informations ? »
Évidemment, le procureur Frédéric Fourtoy ne partage guère ce point de vue : « Et alors ? Certes, ces explications sont intéressantes et je rends même hommage à la prévenue car, dans une démocratie, on doit se réjouir que des citoyens se mobilisent. Mais, je le redis : et alors ? Il existe un contrat social qui exige que la loi soit appliquée à tout le monde. Sur nos mairies et édifices publics, il y a ce mot : égalité. On n'a pas le droit de décider tout seul que la loi ne s'applique pas à vous ! » Le procureur se borne à requérir un travail d'intérêt général d'une durée de 35 H........
Me Riglaire, en défense, insiste sur « les mots "liberté" et "fraternité" qui existent également sur les frontons de nos mairies » (voir plaidoirie ci-contre). Le président Zanatta, vers 19 h 15, fauche la polémique à la racine : « Relaxe, la loi a changé, vous n'aviez pas à être poursuivie ».
DIDIER SPECQ nord eclair