En quête de justice Une journaliste juive licenciée pour avoir publié un article Cet article a été envoyé à Debbie Ducro, une journaliste juive américaine du « Kansas City Jewish Chronicle ». Elle l’a publié et a été licenciée le jour suivant. Judith Stone 26 janvier 2009 Je suis juive. J’ai participé à la Marche pour le Droit au Retour des réfugiés palestiniens. Il était juste de le faire. J’ai entendu parler de l’holocauste contre les Juifs d’Europe depuis que je suis petite. J’ai visité le Mémorial de Washington DC et celui de Jérusalem dédiés aux vies juives perdues et j’ai pleuré en réalisant jusqu’à quel niveau d’atrocité l’espèce humaine est capable de sombrer. Je me demande ce qu’est devenue la conscience juive. Il ne faut voir dans cette interrogation aucune malveillance à l’égard des survivants de l’holocauste hitlérien. Cette partie de l’humanité n’était pas en position de choisir la façon dont elle allait survivre. Toutefois, n’oublions jamais qu’avoir survécu ou être un coreligionnaire des victimes du génocide ne dispense pas de respecter certaines règles d’humanité. Le slogan « Plus jamais ça ! » sonne creux quand il veut dire « Plus jamais ça … seulement chez nous ! ». Ma génération a été élevée dans la croyance que le pays de la Bible était un vaste désert habité seulement par une poignée de Palestiniens indigents, vivant avec leurs chameaux en tentant de joindre les deux bouts et de survivre dans le sable. L’arrivée des Juifs était présentée comme un bénéfice immense pour ces habitants du désert. Golda Meir nous assurait même qu’il n’existait pas de « problème palestinien ». Nous savons maintenant que ce tableau ne correspondait pas à la réalité. La Palestine était un pays qui avait beaucoup d’habitants et qu’ils le considéraient comme leur patrie. Villes et villages, écoles et hôpitaux y prospéraient. Il y avait des juifs, des chrétiens et des musulmans. En fait, avant l’occupation, les juifs représentaient seulement 7 % de la population et possédaient 3 % des terres. Si on enlève ses œillères un seul instant, on remarque une seconde atrocité perpétrée par ceux-là mêmes qui devraient être particulièrement sensibles à la souffrance d’autrui. Ces gens-là savaient ce que « cela fait » d’être arraché à sa maison sous la menace d’une arme, d’être forcé à marcher dans la nuit vers une destination inconnue , d’avoir à subir des exécutions sommaires. Les gens qui ont déplacé les Palestiniens savaient « de première main » ce que veut dire voir brûler sa maison et devoir renoncer en un instant à tout ce qui est cher à son cœur. Mais des bulldozers ont écrasé des centaines de villages ainsi que les restes de leurs habitants. Rien de nouveau sous le soleil. La Pologne est un vaste cimetière pour les Juifs d’Europe tout comme Israël est la dernière demeure du peuple palestinien massacré. Très proche du monument aux enfants juifs disparus dans l’holocauste en Europe, se trouve un terrain transformé en parking. Sous ce parking, les restes d’un village jadis florissant et les corps d’hommes, de femmes et d’enfants dont le seul crime fut d’avoir occupé cet espace au lieu de le quitter avec élégance. Sur la plaque mortuaire est écrit : « Parking public ». J’ai parlé avec des Palestiniens. Jusqu’à présent, je n’ai jamais rencontré de Palestinien qui n’ait perdu l’un des membres de sa famille dans la « Shoah israélienne ». Ni aucun qui ne puisse parler d’un ami ou d’une relation en train de croupir dans une prison israélienne. Maintes et maintes fois, Israël a été cité pour violation des droits de l’Homme, mais en vain. Au cours d’un récent voyage en Israël, j’ai visité un camp de réfugiés qui devait être « temporaire » et qui est occupé par un peuple attendant depuis 52 ans de pouvoir revenir chez lui. Chaque aïeul palestinien peut vous donner le nom de son village, le nom de sa rue et le nom de l’endroit où sont plantés les oliviers. Peut-être ses petits-enfants ne sont-ils jamais allés sur ces terres, mais ils peuvent vous dire où leurs arrière-grands-parents sont enterrés et où se trouvait le village. La presse a entretenu l’image du terroriste palestinien. Les victimes qui se sont dressées contre l’affront fait à la dignité humaine dans le ghetto de Varsovie sont hissées au rang de héros et celles qui y ont perdu la vie sont appelées des martyrs. Mais le Palestinien qui, désespéré, lance des pierres, est qualifié de terroriste. Il y a deux ans, je roulais en Palestine en contemplant le système d’arrosage labyrinthique qui alimente en eau les pelouses luxuriantes des colons sionistes dans leurs nouveaux complexes d’appartements, entourés de gardes armés et de barbelés. Tout cela au milieu d’une communauté palestinienne ne disposant d’aucune alimentation en eau potable et dont les champs aux alentours sont sableux et secs. Le professeur d’université Moshe Zimmerman communiquait dans le Jérusalem Post (30 avril 1995) : « Les enfants [juifs] de Hébron sont exactement comme les enfants des jeunesses hitlériennes ». Les Juifs, en Europe, réclament la restitution de leurs biens, une compensation pour leurs salaires perdus, leurs habitations et leurs propriétés foncières ainsi que pour le travail forcé. Et cela avec effet rétroactif. Suis-je traître à la cause juive si je soutiens le droit au retour sur leur terre d’origine des réfugiés palestiniens ainsi que leur droit à une compensation pour ce qui leur a été pris et qui ne pourra leur être rendu ? Les Juifs morts ne peuvent être ramenés à la vie, les Palestiniens massacrés ne pourront être ressuscités. David Ben Gourion disait : « Restons conscients d’une vérité, entre nous… Politiquement, nous sommes les agresseurs et ils se défendent… La région leur appartient parce qu’ils l’habitent tandis que nous voulons venir ici et nous y installer et de leur point de vue, nous voulons leur enlever leur terre… ». La Palestine est une terre qui a été occupée et vidée de son peuple. Ses repères culturels et physiques ont été anéantis et remplacés soigneusement par des repères en hébreu. L’histoire de ce peuple est la première chose qui a été éliminée par les occupants. Elle a été effacée jusqu’à donner l’impression qu’elle n’a jamais existé. Et tout ceci a été acclamé par le monde comme l’action miraculeuse de Dieu. Nous devons reconnaître que l’existence d’Israël pose moins la question de sa légitimité que celle de l’illégalité du « fait accompli », réalisé par la force et grâce au soutien des puissances occidentales. Les missions des Nations unies à l’adresse d’Israël pour tenter d’en réprimander les violations ont été vaines jusqu’à présent. Dans « L’Etat juif » de Th. Hertzl, le père du sionisme déclarait : « Nous devons examiner toutes les possibilités et prendre possession du nouveau territoire juif par tous les moyens modernes opportuns ». Je pense être d’accord avec Ehoud Barak (3 juin 1998) quand il dit : « Si j’étais Palestinien, moi aussi je rejoindrais un groupe terroriste ». J’irais peut-être même plus loin : plutôt que des cailloux, c’est un rocher que je voudrais lancer violemment en désespoir de cause. Il faut espérer qu’au fond de lui, chaque Juif doté d’une conscience sait pertinemment que ceci n’a pas été une guerre et que ceci n’a pas été la restitution par Dieu de la terre sainte à ses propriétaires de droit. Nous savons que des atrocités ont été perpétrées et continuent à être l’être contre un peuple innocent, incapable de produire les armes et d’assurer le financement nécessaires à sa propre défense contre des puissances occidentales penchées sur son anéantissement en tant que peuple. Nous ne pouvons pas continuer à dire : « Mais qu’aurions-nous dû faire ? ». Sionisme n’est pas synonyme de judaïsme. Je suis totalement solidaire du droit au retour du peuple palestinien sur cette terre. Source: http://windowintopalestine.blogspot.com/2009/01/jewish-editor-sacked-for-publishing.html Traduit de l'anglais par Anne Bienfait pour Investig'Action |