Finalement, il prononce les deux mots tabous : « Dominique Baert ». Les tournures de phrases pour éviter de nommer le député sortant étaient devenues tellement risibles que Slimane Tir cesse d'éviter l'obstacle. Du coup, il peut vraiment se comparer à Harry Potter : lui ose désigner clairement Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom. Pour autant, il choisit encore chacun de ses mots pour évoquer le cas de Dominique Baert, quand bien même ses propres oreilles sifflent désormais en permanence.
Tout aurait été tellement simple si le député-maire PS de Wattrelos avait tiré sa révérence sans mot dire. Le Parti socialiste et Europe écologies-Les Verts avaient négocié un accord de mandature longtemps avant la présidentielle. Ils avaient accordé leurs violons et les socialistes permettaient à leurs alliés écolos d'avoir un groupe parlementaire à l'Assemblée. Il fallait leur réserver un certain nombre de circonscriptions. C'est tombé sur la huitième du Nord, celle de Dominique Baert.
Loyal mais pas servile
Un scandale ? Pas du point de vue de Slimane Tir, bien sûr. « Il faut renouveler le personnel politique, donc limiter le cumul des mandats. Député ou maire, ce sont des CDD à plein temps », juge le candidat investi par EELV et le PS qui rappelle que c'est la ligne que s'est fixé le Parti socialiste en 2009 en votant les grands principes de sa rénovation - la section de Wattrelos s'était alors distinguée des autres en votant contre le non-cumul, la parité et la diversité.
« Je défends un projet, Dominique Baert a fait le choix d'une aventure individuelle », insiste Slimane Tir. Le projet, c'est la clé de voûte de sa candidature. Certes, il est élu et militant EELV, mais le projet présidentiel de François Hollande résulte de la négociation entre les deux alliés de gauche. « On a été capable de dépasser nos divergences pour construire notre proposition. L'accord de mandature a été signé. Nous, les Verts, nous voulons assumer nos responsabilités, aller mettre les mains dans le cambouis. » Slimane Tir insiste : c'est ce qui se passe très souvent localement. Notamment au niveau de Lille métropole où lui-même a la responsabilité de l'Espace naturel métropolitain. Mais on sait aussi que les Verts sont des alliés parfois bouillants et pas simples à maîtriser. C'est ainsi qu'à Roubaix, après sept ans de majorité plurielle, Slimane Tir s'était brouillé avec le PS et René Vandierendonck.
« Assumer publiquement nos divergences, ça fait partie de la modernité politique », rétorque l'élu « minoritaire » roubaisien. « Être loyal, ça ne veut pas dire faire allégeance », glisse-t-il aussi. Le tout est de respecter l'accord de mandature, même si, admet-il, cet accord ne peut pas prévoir tout ce qui peut se passer durant cinq ans. « Mais avant de penser aux éventuels problèmes futurs, il faut s'attaquer aux problèmes d'aujourd'hui », rebondit-il.
Dans les pas de Hollande
Or, après cinq ans de sarkozysme, les Verts et le PS sont sur la même longueur d'onde, même s'ils ne se donnent presque pas la peine d'enfoncer la candidate de l'UMP, Salima Saa. « Il est impératif de restaurer la crédibilité de la chose publique. La res publica porte bien son nom. François Hollande n'a pas promis la Lune, mais une vraie volonté de changement. » Avec sa suppléante Hélène Declecq-Fassiaux, Slimane Tir promet de « restaurer » les services publics. « Défendre notre système de protection de santé, affirme-t-il, c'est défendre les plus petits, les plus faibles. » Son leitmotiv : la justice sociale. On croirait presque entendre François Hollande. Eva Joly, à qui il avait offert un joli pavé de Roubaix en février dernier, semble bien loin.w