Vous trouverez ci dessous deux interventions que j' ai faites au cours du Colloque international organisé par l' AMIFA les 16 et 17 AVRIL 2010, dont les actes viennent officiellement d' être publiés ( au cours de la séance d' ouverture, puis de la table ronde ).
Allocution d ouverture
Mesdames, Messieurs, Chers Amis organisateurs,
Je suis heureux d’être présent, avec vous pour l’ouverture de cette deuxième édition de ce colloque international, consacré aux langues et cultures minoritaires.
Certes, je suis ici, en tant qu’élu mais surtout en tant que militant de la biodiversité ET de la diversité.
Considérez moi donc, comme un compagnon, de route, de témoignage et de voyage.
- Compagnon de route : en qualité de « co-fondateur » de ses rencontres, leur innovation la plus essentielle, n’est pas forcément, de rouvrir le champ des questionnements sur la pratique et l’enseignement des langues minoritaires en France, elle est, à mes yeux, dans la manière inédite de le faire, par la réunion de chercheurs, de linguistiques, de pédagogues, d’enseignants, de décideurs publics, de travailleurs sociaux, de fonctionnaires, et d’élus.
- Compagnon de témoignage : en raison de mon parcours personnel et de côtoiements linguistiques, à la maîtrise inégale. Mais, surtout, de mes constats, dans mes activités d’élu, d’une certaine régression de la francophonie à l’échelle mondiale. J’aurai l’occasion, au cours des tables rondes de préciser cela, et de vous faire partager mes premières réflexions sur « l’état de minorité ».
- Compagnon de voyage, enfin, car les questions posées, au travers de la multiplicité des approches, des expériences, des cultures et des continents, dans le rapport au français et à la francophonie, comme dans les rapports qui s’instaurent entre langue(s) dominante(s) et langue(s) minoritaire(s), (le français dans les pays du Maghreb, l’arabe ou le berbère en France), doivent nous amener, à changer nos points de vue et certainement à transformer nos préjugés.
En conclusion, comme à MOSAIC, le Jardin des Cultures, je vous souhaite « bon voyage » dans vos travaux.
Table ronde
Je reviens de Barcelone où j’ai écourté un séjour professionnel, afin d’être parmi vous, pour l’ouverture de ce colloque. C’est donc avec un plaisir que je me trouve à nouveau ici.
Je vais dire les choses comme je les pense et donc éviter la langue de bois. Sortir d’un rituel ou d’une pratique qui ne nous permet pas d’avancer tout en restant quand même dans le thème que vous avez choisi pour cette table ronde autour de la communication et des relations internationales.
Je voudrais porter « témoignage » en tant qu’élu à la Communauté Urbaine de Lille en charge de l’espace naturel métropolitain et de la biodiversité. Je suis militant de la biodiversité et je vais illustrer les liens que l’on peut effectivement faire avec les enjeux de la diversité.
Il y a quelques mois, à Malmö en Suède, nous avons reçu du Conseil de l’Europe, le Grand Prix Européen du Paysage.
J’arrive donc dans cette tribune suédoise, comme nous faisons les uns et les autres un peu partout, au niveau international, je découvre que tout se fait en anglais. J’indique que le français est une langue officielle et que c’est donc en français que je m’exprimerai. Je suis défenseur de la francophonie y compris dans la soirée de gala.
En raison de mon rôle et de ma fonction d’élu, je fais mon allocution en français. Mais comme je suis courtois, j’ai le texte, dans la version anglaise que je mets à disposition de l’organisation.
Je fais le même type d’expérience en février 2010 à Florence. Là, par contre, je suis dans un programme d’échange européen financé par l’Union Européenne. A Florence, ça se passe en italien et en anglais, sans aucune autre traduction.
A cette réunion européenne, à laquelle assistaient des participants de 14 pays, ont été abordés de nombreux thèmes, au travers d’approches générales ou pointues de l’aménagement du territoire, du développement du territoire, de développement durable dans les villes, les défis qui y sont liés et qui sont posés à nos sociétés face au changement climatique et évidemment l’érosion extrêmement importante de la biodiversité.
Tout ça pour en revenir à la question de fond que je veux poser au travers de ce témoignage : nous sommes en réalité, nous francophones, en état de danger linguistique et de régression au niveau mondial.
Vous l’avez évoqué, monsieur le Délégué Général à la Langue Française, c’est un enjeu d’importance mondiale. Je pense qu’il existe un point commun entre l’importance du français dont vous parlez et la décision d’ouvrir une chaire d’enseignement de l’arabe au temps de François 1er.
Ce point commun, entre le français et la langue arabe, réside dans le fait que ce sont, en fait, d’anciennes langues dominantes, d’anciennes langues hégémoniques qui ont perdu cette prédominance.
Le problème qui nous est posé sur le plan culturel, sur le plan politique et sur le plan économique, n’est-il pas de faire l’expérience de l’état de minorité pour enfin comprendre à quel point la diversité est importante comme enjeu collectif au niveau international comme au niveau national ?
D’une certaine façon nous avons une obligation politique et sociale de considérer, l’état de pratique du français comme de l’arabe, comme relevant en quelque sorte, au niveau international d’un « statut » de langue minoritaire.
L’une et l’autre ont intérêt à défendre leur place et position dans des relations internationales qu’elles soient de nature politique ou économique.
L’enjeu est de défendre leur état de minorité en prônant la diversité par rapport à une langue, l’anglais langue hégémonique du XXème siècle et de ce début du XXIème, en attendant peut être l’avènement du mandarin.
Défendre sa langue de naissance, de culture, et de pratique ne doit pas nous dispenser de rechercher la maîtrise de l’anglais « instrumental ». Il s’agit là d’un ajout pas d’une substitution.
Au fond et c’est la conviction que je voudrais partager avec vous ici, en tant qu’hypothèse de travail ; la découverte de cet « état de minorité » va-t-elle nous amener à défendre positivement la notion de diversité culturelle et linguistique sur notre territoire et aussi peut-elle nous aider à nouer des alliances positives et constructives avec d’autres nations dans le monde, utilisatrices d’autres langues qui ont aussi, à leurs yeux, cette importance ?
Ceci doit nous amener à changer de regard ou de paradigme, en raison de la position minoritaire qu’occupe un certain nombre de langues dans notre système éducatif ; certes sur le sol national mais pas à l’international alors qu’elles pourraient être des « alliées » à l’international, en raison de la défense d’une diversité positive.
Ainsi, la question de l’enseignement et de l’apprentissage des langues minoritaires, comme le berbère ou l’arabe en France doit questionner la nature et le fonctionnement d’un système éducatif qui privilégie les langues et cultures « dominantes » au détriment des langues et cultures minoritaires.
Slimane TIR
Vice Président LMCU
Président du Syndicat Mixte ENLM
Président de FEDENATUR