vendredi 20.11.2009, 05:03 - PAR R. REMANDE,B. DUTHOIT ET A. DUFRESNE
Dans certains quartiers, la soirée de mercredi a été une explosion de joie. Personnes âgées, hommes, femmes et même enfants sont descendus dans la rue pour célébrer la victoire de l'équipe algérienne de football, qui s'est qualifiée face à l'Égypte, pour la Coupe du monde. Explosion de joie mais aussi de violence. Hier, beaucoup de membres de la communauté algérienne tentaient de comprendre.
Dès le coup de sifflet final, mercredi, un flot ininterrompu de voitures défile dans le centre-ville de Lille en klaxonnant, avec drapeaux algériens au vent. La fièvre bon enfant atteint son paroxysme à Wazemmes.
La rue des Postes est noyée sous les cris de joie, les instruments de musique (derboukas, etc.), les fumigènes et pétards. Tout au bout, le rond-point de la Porte des Postes est inondé par une marée humaine de centaines, voire de milliers, de supporteurs algériens venus pour la plupart à pied. Beaucoup sautent, dansent ou chantent en choeur le tube de la soirée : « One, two, three, viva l'Algérie ! » À Lille, grand-place et place du Théâtre, c'est une même grande démonstration de joie où l'on danse autour et sur les toits des voitures, dans un concert de klaxons et de moteurs hurlants. « C'est magnifique, c'est une belle fête, j'espère que vous allez le dire dans le journal,lance un supporteur de l'Algérie. Ça fait 23 ans qu'on attendait ça, les plus jeunes n'ont jamais connu un tel événement, moi la dernière fois j'avais 7 ans. Depuis des semaines, on stressait, on ne dormait plus, on n'arrivait pas à travailler. Et maintenant, qui sait, peut-être qu'on va avoir une rencontre France - Algérie ? »
Mais pendant que Lille fait la liesse, mercredi soir, Roubaix sombre dans les violences (lire ci-contre). Et hier, beaucoup de membres de la communauté algérienne étaient consternés. Au Snack palace, rendez-vous de supporteurs, les clients ne cessaient de marteler : « On condamne la casse. Hier, c'était aussi la fête. » Tout comme Iloul Ammar, président de l'union de la communauté algérienne en France, basée à Maubeuge, qui veut minimiser : « Le seul leitmotiv qui rassemble tout le monde, c'est le sport et en particulier le foot. Ce n'est pas seulement les Algériens, c'est la même chose dans toutes les communautés partout dans le monde.
Mais du coup, il y a toujours des brebis galeuses. »
Plus particulièrement dans une communauté malmenée ? La question se posait inévitablement hier pour les éducateurs de Roubaix, comme André Lazaoui, directeur du Hommelet sport culture club. Pour lui, il y a clairement une recherche d'identité : « La situation économique et sociale est très difficile, on ne sourit pas tous les jours. Là, il y a une équipe qui marche. Et ce sont des joueurs qui jouent pour la majorité dans les équipes européennes. Alors il y a une identification. Les jeunes mettent le maillot, le drapeau, certains ne sont jamais allés en Algérie mais là, ils trouvent une place. Et aujourd'hui, si on leur pose la question, je ne sais pas s'ils se sentent français, c'est ça le danger. » Et pour mieux appuyer ses propos, l'éducateur appelle Nadir, un jeune de 16 ans, en stage à l'association, qui se présente, un peu timide : « Bon, Nadir, tu te sens français, toi ?
- Français... Et algérien.
- Et hier, tu as regardé le match de la France ?
- Bah j'étais en train de m'amuser dehors. J'ai vu la prolongation.
- S'il y avait un match Algérie - France ?
- Je supporterais l'Algérie ! »
Si la soirée de mercredi n'en finit pas de poser des questions, beaucoup de membres de la communauté algérienne voulaient hier tempérer : « On sait qu'à Roubaix, on est assis sur une poudrière, énonce André Lazaoui. Le foot, c'est un prétexte, peut-être un moyen de se faire entendre. Des gens, pas que des Algériens d'ailleurs, s'engouffrent dans la brèche. » Et Slimane Tir, élu à Roubaix, et vice-président de la communauté urbaine, conclut : « Les matchs sont devenus les grands-messes de nos sociétés modernes, ils charrient leurs débordements d'émotion, de joie et d'autres plus répréhensibles. Avec l'Algérie, il y a une dimension supplémentaire de bras d'honneur à Besson et son débat sur l'identité nationale. » •