Rachid Taferssiti: Un guide touristique VIP
par Ismael HARAKAT
S’il a signé une dizaine d’ouvrages chaleureusement commentés et immortalisé avec son zoom des centaines, voire des milliers, d’images, toutes les réalisations de Rachid Taferssiti ont un dénominateur commun: Tanger, source exclusive de son inspiration. Rétrospective d’une relation passionnée.
Le colloque Défis de la ville durable que Tanger a abrité les 14 et 15 janvier 2010 a constitué pour Rachid Taferssiti une énième occasion pour clamer son amour et sa passion envers la capitale du Détroit.
Lors de la séance de clôture au Palais Moulay Hafid, on lui a réservé l’honneur de la dernière intervention. Juste derrière des ténors comme Noël Mamère, le controversé député-maire de Bègle, Tariq Kabbaj, maire d’Agadir, et Slimane Tir, le Franco-Kabyle vice-président de la communauté urbaine de Lille et président de la séance de clôture.
Une fois de plus, ce sympathique sexagénaire était à deux doigts d’écraser une larme lorsqu’il a commencé à dresser avec maestria les faits saillants ayant émaillé l’histoire de “sa” ville. Et une fois de plus, il a passé en revue les grands noms qui ont séjourné ou toujours vécu à Tanger comme Paul Bowles, Tennessee Williams, Malcolm Forbes, Eugène Delacroix…De quoi inoculer le virus de la nostalgie à l’assistance et au président de la séance qui n’a pas osé attirer son attention sur le temps imparti à l’intervention.
Un habitué des plateaux
Pas une mouche ne vole à Tanger sans que Rachid Taferssiti ne soit au courant. Et c’est bien la raison pour laquelle l’homme est très sollicité. Au point de servir de guide à Carl Gustav XVI de Suède, Irène de Grèce, Felipe González, Koffi Annan, Juan Goytisolo…Et la liste est bien longue. A travers les ruelles de Tanger, Il a fait trimballer tout ce beau monde, fait de têtes couronnées, de sang bleu et de sommités politiques, en prenant le soin d’indiquer pourquoi telle ruelle est baptisée “Bab Laassa” -porte de la bastonnade-, ou pourquoi telle autre porte le nom de “Derb Ouahed”. Sans parler des menus détails concernant les angles choisis par Delacroix et Matisse ou les têtes connues qui ont siroté un thé à la menthe dans tel ou tel café de la médina qu’il connaît comme sa poche.
Mais, d’abord, qui est ce Rachid Taferssiti qui se trouve être un habitué des plateaux des grandes grandes chaînes internationales?
Auteur d’une dizaine d’ouvrages d’excellente facture sur la ville de sa passion, il ne se définit pourtant pas comme un écrivain. Il est vrai que, professionnellement parlant, c’est un haut cadre bancaire à la retraite.
Le cœur a ses raisons que la raison ignore
Mais l’écriture et la photographie ont toujours été pour lui une deuxième nature.
Son domicile, converti en musée grâce à son goût le plus sûr le range d’emblée plus dans la catégorie des artistes que dans celle des banquiers. Il faut dire que les lettres de nos jours nourrissent plus l’esprit que la panse. C’est ce qui a poussé Lotfi Akalay, autre Tangérois illustre, à ouvrir son agence de voyages pour pouvoir mieux se consacrer à l’univers de l’édition.
Depuis sa retraite amplement méritée –il est né en 1944 à Tanger-, Rachid Taferssiti a pris son bâton de pèlerin pour prêcher la bonne parole: Restituez à la médina de Tanger son âme. Sauvegardez son patrimoine. Faites en sorte que l’emplacement stratégique de cette cité cosmopolite lui soit profitable autrement qu’à travers le béton. C’est ce que serine Rachid avec l’ardeur d’un jésuite à ses interlocuteurs, des autorités aux élus, en passant par les sommités qui tombent sous le charme de la ville.
Durant les années 1970 du siècle écoulé, alors jeune cadre bancaire, il affute ses armes dans l’écriture à travers des collaborations dans des revues locales. Une première étape en vue de franchir de nouveaux paliers.
En 1988, il crée l’association Al Boughaz ayant pour vocation la préservation du patrimoine de la capitale du Détroit.
Depuis, son carnet d’adresses s’étoffe et ses horizons s’élargissent.
En 1998, il signe deux ouvrages qui garnissent bien des bibliothèques privées à Tanger comme ailleurs: L’Écrivain et sa ville, consacré à Mohammed Choukri; et Tanger, réalité d’un mythe.
En 2002, il écrit Tanger, cité de rêve, dont le seul intitulé témoigne de sa passion pour sa cité natale.
En 2009, c’est au tour de Retour à Tanger de faire son entrée dans les librairies. Dénominateur commun entre ces contributions littéraires: la capitale du Détroit s’érige en sujet exclusif, ce qui suscite parfois l’amusement de ses amis qui lui demandent de ratisser un peu plus large. Seulement, est-ce possible? Cela reviendrait à commettre une sorte de trahison littéraire puisque le cœur a ses raisons que la raison ignore.
Cet artiste de la plume et de l’image ne manque aucune occasion pour faire du lobbying en faveur de la ville de ses amours. Qu’il s’agisse d’une exposition, d’un colloque ou d’un cocktail mondain, Rachid est partout et ses interventions ne passent pas inaperçues.
Souvent, celles-ci sont en rapport direct avec Tanger dont l’explosion urbaine ne le laisse pas de marbre.
Favorable à la dynamique qui se crée, il attire l’attention sur l’impact de tant de chantiers sur l’âme d’une ville. Pour ce faire, il milite pour que la médina reste un bastion de poésie, d’arts et de ressourcement.