Dans la polémique hallucinante du Quick hallal de Roubaix, lancée par le maire-candidat aux élections régionales, se télescopent avec brutalité deux cynismes :
- le premier est électoraliste surenchérissant sur les déclarations de Marine le Pen, au sujet d'une situation connue au moins, depuis Novembre 2009 (cf. les articles de Nord Eclair et la Voix du Nord) ;
- le second est affairiste : la direction de cet établissement décide de s’imposer sur un segment de marché, dans une situation de très vive concurrence. En matière d'argent, il n'y a ni odeur, ni religion, ni nationalité.
Les calculs à l'œuvre sont désormais limpides et ne peuvent plus tromper aucun observateur de bonne foi.
Dans les commentaires médiatiques de cette fin de semaine, même "Marianne" est plus nuancé que d'ordinaire, c'est dire ! .D'ordinaire, très à cheval sur la défense d'une certaine vision de la République, un article met l'accent sur l’électoralisme de cette affaire et renvoie les deux partis de gouvernement PS et UMP à leurs responsabilités historiques dans l’exploitation de la veine communautariste
L'aspect positif, réside dans le fait qu'il ne se solidarise pas avec les républicains xénophobes, qui de plus en plus souvent, masquent leur xénophobie et leur islamophobie, derrière la défense de la laïcité et de la République.
C'est donc, dans un support de référence pour une branche de pensée de la famille républicaine (républicaine /assimilationniste), une position positive, qu'il faut saluer dans la bataille actuelle contre la corruption de l’esprit public.
Il est évident que les mots sont importants, c'est un principe essentiel, pas seulement de l'approche intellectuelle rationnelle, (qui peut aussi être mal intentionnée ou erronée, mais qui, en général, s'efforce d' être "honnête"), mais aussi des pratiques de PROPAGANDE.
Chercher à instrumentaliser et à utiliser des concepts, des notions, des références historiques, dans des constructions sémantiques paradoxales, qui sont des outils de travail et de manipulation des opinions des " foules", des "masses". Monsieur Sarkozy nous a fourni de très nombreux exemples de tout cela (l'appel à Jaurès et Blum, Guy Môquet, ses lois de sécurité intérieure et l'abrogation de la double peine........)
Sur le fond, il faut noter que M. Vandierendonck recule à grande vitesse, au vu des dégâts provoqués, après avoir déclaré se lever contre "l apartheid" et la "discrimination" exercée par cette enseigne à l' égard de consommateurs de bacon (notez la puissance des symboles et la démesure des comparaisons).
Ce qui reviendrait à considérer que l'offre antérieure n'était pas discriminante, alors que cet établissement existe depuis 20 ans.
Autrement dit, ce n'est donc qu'aujourd’hui, par ce choix, que Quick pratiquerait une forme de discrimination. On tombe ici, sur une version édulcorée d'un argument de la rhétorique du "racisme anti blanc".
La tentative de mobiliser l’arsenal juridique (arrêté municipal et saisine de la Halde) est une stupidité.
Il a déjà renoncé à l’arrêté, tant mieux, mais galvauder à ce point le concept de discrimination dans une ville dont la population en souffre tant, c'est irresponsable.
Ces initiatives désastreuses pour notre ville de son premier magistrat, ancien membre du Haut Conseil à l’Intégration, montre à quel point est vive la corruption des esprits ainsi que la virulence du venin répandu par le débat sur "l’identité nationale ", qui a accéléré la lepénisation des esprits.
Le leader local de l’UMP, Max André Pick, sur son blog, embarrassé par une solidarité partisane avec un élu UMP de la circonscription, défend la liberté du commerce pour son ami, qui aurait mal mesuré les impacts de son choix.
Maisil propose, d’interdire l’exercice de cette même liberté aux bouchers "hallal" de la ville, qui doivent être "mixtes" et « présenter toutes les viandes ... » car « Il n’est pas normal, qu’aujourd’hui, et quelle que soit l’évolution sociologique de la ville, que les roubaisiens non musulmans ne puissent plus trouver de commerces de proximité leur proposant les produits alimentaires qu’ils recherchent…»). Tout cela, au nom évidement d’un combat contre ce sentiment, détestable mais de plus en plus répandu et exprimé à Roubaix de « l’envahissement »… (bel euphémisme pour invasion). Il approuve la décision du Maire-candidat, qui selon lui "a mesuré les dégâts immenses que cette décision (celle de Quick), crée tant pour l’image de Roubaix, que pour le ressenti des roubaisiens de souche", (variante locale du français de souche).
D’autres, enfin, invoquent la défense de la laïcité, à propos d’une tranche de bacon. Surréaliste.
Sur le plan de la santé morale et mentale publique, notre Gouvernement a fait une tragique erreur de préparation de la Nation aux risques qui nous menacent : il a gâché des milliards d'euros, engraissant de grandes firmes pharmaceutiques et leurs dirigeants par les bonus, pour contrer le virus H1N1, alors que plusieurs de ses membres, nous inoculaient un virus bien plus nocif, celui de la xénophobie assumée et de l'islamophobie respectable, car décomplexées.
Il est bien loin le temps où une certaine gauche et une droite humanistes se mobilisaient pour faire une loi et affirmer que le racisme n’est pas une opinion.
Les objectifs du business plan Quick sont déjà largement dépassés, et les amateurs (trices) de hamburgers hallal sont au rendez vous, en couples, en famille, en groupes avec leurs copains de toutes confessions supposées. Quick a vraiment écrasé sa concurrence, dont les établissements sont quasi vides, l'opération commerciale est une belle réussite.
Compte tenu de la contribution du maire de Roubaix à ce succès, il faudrait, à tout le moins, que cette enseigne fasse un très gros don pour couvrir les frais d’avocat inconsidérément engagés sur le budget communal, pour une opération électoraliste.
Car l’agitation judiciaire permet de brandir des leurres et de gagner du temps mais se terminera très bientôt en déroute.
Face aux risques de Bérézina morale et de contre effet électoral, à laquelle la polémique, qu'il a provoquée, peut le conduire, le maire-candidat , "pyromane" comme le qualifie Claude ASKOLOVITCH dans son éditorial du Journal du Dimanche, recherche "une sortie par le haut" avec Quick, depuis ce week-end.
Enfin, tant mieux que la réflexion, la raison et la discussion reprennent le dessus. Mais attention aux fausses bonnes idées !
Au moment où le hallal se banalise dans une enseigne du "business normal", en proposant à Quick d'ouvrir un "fast food spécial bacon" (c'est mon expression, pas la sienne ), il révèle sa préférence pratiquée, pour le commerce ethnique (tant que c' était un "arabe" qui faisait du burger hallal, par exemple, comme FLASH BURGER, ce n' était pas un problème : il n' y avait pas matière ni à polémique, ni à discrimination).
La transgression de Quick (car il s’agit bien de cela,) c’est d’avoir osé assumer la banalisation de ces produits dit "hallal", et donc de la clientèle visée, d’avoir osé la banalisation du ciblage du consommateur musulman concret dans l'espace public du centre ville.
En plébiscitant l' initiative de cette enseigne, ces consommateurs nous parlent de leur désir d'être respectés (considérés comme les autres), et même assimilés, en ayant la possibilité de manger "hallal" justement dans un établissement "non ethnique". Ils sont au fond, des consommateurs comme les autres, qui veulent "bouffer" comme tout le monde, y compris de la "malbouffe". Consommer, en quelque sorte, dans les temples banalisés de la consommation et sortir de l’offre "ethnique".
Nos pseudo-gardiens du temple républicain n’ont ils pas compris cela ou ne veulent pas l’entendre ?
Le centre ville est un secteur commercial, qui présente une offre de restauration diversifiée. Il est socialement et sociologiquement partagé.
L’essentiel, pour des élus responsables, réside dans le fait que cette diversité d'offre soit maintenue, promue, voire même publiquement encouragée et subventionnée, le cas échéant. Toutes les études de marché, ne font-elles pas état d'une insuffisance de l' offre de restauration, le midi, très faible en soirée, beaucoup trop faible pour une ville de 100 000 habitants ?
Les moyens financiers publics (de l'Etat, du Conseil Régional Nord Pas de Calais, de la Communauté Urbaine de Lille, de la Caisse des dépôts..), en raison des difficultés sociales de notre population, n'ont-ils pas été massivement déversés sur Mac Arthur Glen, Géant et sa galerie commerciale (plus de 200 millions d 'euros ), à juste raison, pour redresser l' infrastructure commerciale du centre ville ?.
A ce stade de cette détestable affaire, les dégâts sont déjà immenses. Les postures irresponsables ont fait au moins quatre victimes :
- la dégradation considérable de l’image de notre ville
- le détournement indigne du concept de discrimination "appliqué à une tranche de bacon", dans une ville au sein de laquelle une partie importante de la population souffre cruellement de la discrimination au patronyme, au faciès, à l'origine, au quartier de résidence
- la laïcité, qui est curieusement mobilisée dans cette affaire de sandwich, burqua sémantique de xénophobes prétendument républicains
- la concorde civile roubaisienne et l’éthique de l’engagement civique et électif.
Espérons que cette affaire, justement par l’émotion et la colère, qu’elle a provoquées, sera un électrochoc salutaire et qu’elle engendrera un sursaut.
Qu’elle fasse prendre conscience à nos concitoyens(nes) que la politique est une affaire trop sérieuse pour la laisser aux seuls politiciens, de plus en plus " hors sol".
Que s’élèvent , enfin, à Roubaix, publiquement, des voix et des militant(e)s dans toutes les familles politiques humanistes et démocrates pour crier : ça suffit !
Débattons de l’essentiel et occupons nous des vrais problèmes de notre ville.
Slimane TIR
Conseiller Municipal de Roubaix
Vice Président de Lille Métropole Communauté Urbaine
Mardi 23 février 2010