Lille Métropole Communauté Urbaine – Grand Débat
DEVELOPPEMENT DURABLE
VENDREDI 27 NOVEMBRE 2009
INTERVENTION de SLIMANE TIR
Vice Président Espace Naturel Métropolitain
Thème : Nature en ville et biodiversité
« Réconcilier la ville avec la Nature »
On s’alarme de la situation du climat mais on doit tout autant s’alarmer de constater que la diversité de la vie, depuis les bactéries jusqu’aux plantes, depuis les espèces jusqu’aux écosystèmes – est en déclin accéléré.
On estime, en effet, que le nombre des espèces connues (et nous sommes loin de les connaître toutes) a décliné de 40% depuis les années 70.
25% des espèces encore connues aujourd’hui pourraient disparaître d’ici 2050.
Selon les Nations Unies, les taux actuels d’extinction d’espèces seraient 1 000 fois plus élevés que les niveaux jugés naturels.
Le plus inquiétant dans ce phénomène c’est son accélération. Nous perdons, parfois avant même des les avoir identifiées, des sources de nouvelles richesses, des ressources alimentaires, des sources de nouvelles thérapies.
Au niveau mondial, plusieurs initiatives ont été prises ces dernières années pour à la fois alerter, mesurer, réparer. La prise de conscience s’étend et l’ONU avait décidé fin 90, de faire de 2010, l’année internationale de la biodiversité. Théoriquement, nous devions avoir enrayé l’érosion de la biodiversité à cette date. Nous en sommes là aussi, comme pour le climat, très loin.
Cette interpellation internationale nous concerne à tous les niveaux.
La France se situe au huitième rang des pays hébergeant le plus grand nombre d’espèces menacées (faune et flore) dans le monde avec 778 espèces menacées en métropole et en outre mer.
En métropole, 33% des 287 espèces d’oiseaux nicheurs indigènes sont en déclin. Des oiseaux communs accusent un déclin significatif ces vingt dernières années.
En région Nord Pas de Calais, sur les 1 450 plantes sauvages identifiées, on estime que 354 espèces de plantes sont menacées à moyen terme, soit un quart de la flore régionale. Les spécialistes du conservatoire botanique de Bailleul estiment que 122 espèces auraient disparues ces dernières années. Elles représentaient 9% de la flore régionale.
Au niveau de la faune, nul besoin de parler du tigre de Sibérie ou du Dodo de l’île Maurice. Dans notre région aussi, des animaux importants ont disparu au cours du siècle écoulé. Il suffit pour s’en convaincre de parcourir les allées du Musée d’Histoire Naturelle de Lille. On peut y voir des poussins de faucons pèlerins dénichés à Phalempin vers 1920 ou même, à la même époque, d’impressionnants aigles pygargues abattus dans la vallée de la Lys. Depuis un demi-siècle, ces oiseaux ne survolent plus notre métropole que de manière rarissime. Quant à s’y reproduire...
La première raison de l’érosion de la biodiversité, c’est la disparition des espaces naturels, des habitats.
Depuis une bonne décennie, Lille Métropole communauté urbaine a multiplié les initiatives pour enrayer ce mouvement et même redonner plus de place à la nature. Mais les distinctions comme le Prix du Paysage du Conseil de l’Europe, ne doivent pas nous masquer le bilan alarmant dressé.
Ainsi, le rapport de Août 2009 de l’ADU indique que le déclin se poursuit : de près de 200 sites recensés au début des années 90, nous sommes descendus à 140. Les milieux humides, les prairies humides sont réduits à la portion congrue (moins de 0,5 % du territoire). Support d'une forte biodiversité, leur raréfaction par drainage ou remblaiement est un indicateur grave du déséquilibre écologique qui se poursuit.
L’urbanisation a encore renforcé les coupures, la fragmentation des milieux naturels par les infrastructures routières, ferroviaires comme la pression et la spéculation foncière, les pratiques préjudiciables de l'agriculture intensive, l’utilisation d’herbicides par les particuliers, les plantes invasives.
Nous avons un déficit de connaissances évident et nous manquons, hélas, d’inventaires précis et surtout actualisés, pour apprécier de l’évolution des populations animales et florales à l’échelle de notre métropole. La plupart des inventaires sont anciens. (plus de 10 ans ).
Cependant, nous avons quelques observations attachées à des espèces témoins. Les espaces protégés et gérés écologiquement sont d' ores et déjà des refuges de biodiversité, parmi lesquels la réserve ornithologique des Prés du Hem étape importante sur le parcours des oiseaux migrateurs, l’arrêté de biotope de la Fritillaire à Frelinghien, la réserve naturelle du Héron, marais de la Marque… .
Un exemple dans la vallée de la Lys, de nombreuses fleurs liées aux prairies humides disparaissent. Il a fallu toute la pugnacité de Michel PACAUX Maire de Frelinghien pour que la Fritillaire pintade se maintienne et forme ainsi le dernier bastion du Nord pas de Calais de cette jolie fleur. La population de l’espèce est même passée de 9 pieds en 1993 à 112 pieds en 2003 alors qu’elle disparaissait partout ailleurs. D’autres plantes, comme une variété d’Achillée, ou encore le Silaüs des prés ou le butome en ombelle sont aujourd’hui très menacées.
Dans le Parc de la Deûle, la gestion écologique appliquée à Santes et à Wavrin a permis de retrouver des espèces rares comme l’éléocharis épingle ou le souchet brun alors que l’angélique officinale se développe le long de la Marque rurale.
Dans cette même vallée de la Marque, on trouve encore des populations remarquables de Succise des Prés, de guimauve officinale ou encore de Séneçon aquatique.
Si nous pensons enrayer la disparition de nombreuses plantes en poursuivant nos travaux de trame verte et bleue, nous pouvons aussi agir sur l’appauvrissement de la faune en offrant ainsi de nouvelles zones de tranquillité et d'avitaillement bien pourvues.
Car même des oiseaux hier aussi communs que le moineau friquet ont vu leurs effectifs diminuer très vite (entre 1976 et 1995, ses effectifs ont fondu de moitié. Il a par exemple disparu des Prés du Hem dès 1988. La populaire alouette des champs connaît un sort assez semblable). Les raisons de ces diminutions sont souvent complexes et mal connues.
Des équipements techniques bien conçus ont révélé un potentiel intéressant en matière de richesse biologique.
Le lagunage de Deûlemont (système d’épuration des eaux) a vu dès la première année la nidification d’un couple de Tadorne de Belon ( canard tricolore protégé au niveau national).
Les bassins filtrants du canal de Roubaix à Leers destinés à alimenter en eaux le canal de Roubaix en réalisant une épuration tertiaire des eaux de sortie de la station d’épuration de Grimonpont ont rapidement été colonisés par les oiseaux et amphibiens.
Nous avons donc l’impérieuse nécessité de prendre les moyens de la connaissance, des zones protégées, mais également des approches techniques différentes : gestion différenciée, agriculture durable plus respectueuse de la nature car l’érosion des espèces est tout aussi vraie chez les invertébrés. Nous avons tous constatés la disparition de nombreux papillons ou tout simplement du populaire hanneton.
Comme vous le savez tous depuis Tchernobyl, seuls les nuages s’arrêtent aux frontières. La biodiversité ignore les limites administratives ou linguistiques. La biodiversité est une préoccupation partagée par de nombreux acteurs de l’euro métropole . Je cite par exemple le projet BIPS.
POUR ALLER PLUS LOIN QUE FAIRE ? COMMENT ON AGIT :
1 - Poursuivre la politique engagée : multiplier par 5 les espaces de nature
Nous nous sommes donné un programme ambitieux pour poursuivre note politique d’Espace Naturel Métropolitain. Nous avons défini un nouvel horizon de 9 830 hectares d’espaces protégés, un programme ambitieux de véloroutes et voies vertes. Avec pour objectif dans ce nouveau mandant de près de 2 000 hectares et 250 km de voies vertes.
Ce programme est indispensable. Il est notre contribution à cette année mondiale en 2010 de la biodiversité.
La biodiversité a besoin de corridors et de grandes continuités pour s’installer. La trame verte doit pouvoir lui en fournir y compris au cœur de nos villes. Mais aussi le Plan Bleu Métropolitain voté en octobre 2009 qui doit jouer un rôle important en lien avec les autres politiques territoriales (Région, Département, Communes). La trame verte et bleue constitue le support qui permettra de faire rentrer la nature dans les villes.
L’effort doit se porter simultanément sur plusieurs objectifs :
- Aménager de vastes espaces de nature d’intérêt écologique majeur, avoir une politique volontariste de protection des milieux existants et d’augmentation des surfaces d’espaces naturels en profitant de toutes les opportunités : friches, délaissés, …
- Préserver et valoriser des corridors écologiques ouverts à la promenade et aux déplacements doux (terrestres et nautiques)
- Protéger les terres agricoles dans le cadre de parcs agricoles en collaboration avec les exploitants (exemple de la plaine des Périseaux) : réimplanter de la biodiversité en milieu agricole par exempleen favorisant les haies, bosquets,
- Engager la programmation d’une forêt métropolitaine multi sites (dont la fonction puits de carbone est un petit bout de la solution : 1 ha ; 140 t)
- Protéger les ressources naturelles de la métropole en garantissant la protection des écosystèmes fragiles et les zones humides (marais de la Deûle, plaine de la Lys, vallée de la Marque, prairies inondables, )
2/ S’appuyer sur l’évolution de la réglementation avec la loi grenelle 2
Des outils de protection réglementaire existent à plusieurs niveau sur notre territoire : un Arrêté de protection du biotope sur Frelinghien, 2 réserves naturelles volontaires (lac du Héron, jardin écologique du vieux-Lille)…7 ZPPAUP , des zonages du PLU.
Le projet de loi Grenelle 2 NE prévoit QUE la prise en compte dans les documents d’aménagement et d’urbanisme du Schéma Régional de Cohérence Ecologique et ne le rend donc pas opposable.
La trame verte et bleue reste donc d’abord un projet qui doit être porté par une volonté politique forte des territoires et de notre établissement.
3/ Contaminer les autres politiques et les politiques sectorielles
Faire de la nature en ville un projet partagé avec les communes et les habitants et Intégrer l'enjeu de la biodiversité dans tous les projets communautaires et ne pas se limiter aux seuls projets de l’Espace Naturel Métropolitain. Nous devons aussi faire en sorte que cette attention portée à la biodiversité se retrouve dans l’ensemble de nos politiques et de nos projets. Je crois que la Nature ne doit pas être confinée à des espaces limités, sanctuarisés. La Nature a sa place dans nos projets urbains, de logements, de zones économiques, nos équipements, le long de nos voiries, sur les toitures végétalisés,
4/ Relier et amplifier les projets locaux
les différentes initiatives communales, métropolitaines, départementales pour augmenter significativement la contribution à la lutte contre l’érosion de la biodiversité, organiser un réseau d’échange sur les bonnes pratiques, à contrario des mauvaises pratiques (exemple : sur-utilisation des produits phytosanitaires par les particuliers dans leurs jardins).
Les contrats de territoire pourront constituer le cadre d’une mutualisation du travail sur ce thème en s’appuyant en particulier sur les compétences des communes.
5/ Organiser la mobilisation des habitants, les sensibiliser et les impliquer en les faisant participer à l’augmentation de nos connaissances dans ce domaine.
L' ENLM nous fera des propositions nous engageant dans l’année de la biodiversité mondiale de la biodiversité organisée par l’ONU en 2010; (exemple : opérations nationales de comptage d’espèces dites « cibles » (papillons, escargots, hérissons,…).
Notre établissement consacre un 1 % de son budget à cette politique. Pourtant ce 1% Nature met la Communauté urbaine de Lille avec 15M d’€ par an en tête des métropoles se préoccupant de la Nature.
Nous avons besoin plus que jamais d'activer notre stratégie de trame verte et bleue dont notre métropole est précurseur au niveau national.
Car si la préservation de la biodiversité se joue, bien sûr, encore et toujours, dans les réserves et les sanctuaires des Parcs Nationaux, elle se joue aussi, désormais, aux portes et au cœur de nos villes, car ce qui se joue aussi dans cette dimension, c’est notre rapport au monde, comme notre rapport aux autres.