Lettre ouverte de Régis VERLEY, journaliste indépendant et PDG de la SCIC « Télé Lille »
Je m’excuse
Le CSA vient de rendre son verdict pour l’attribution de la fréquence TNT métropolitaine. La candidature de « Télé Lille » que nous avons portée collectivement depuis janvier 2008 a été écartée au profit de celle de « Télé Grand Lille »portée par un groupe d’investisseurs privés.
Je me garderai bien d’émettre un jugement sur le projet « Grand Lille » dont je ne connais rien. Tandis que le notre a été discuté, mis en ligne, présenté au cours d’innombrables rencontres et débats publics, celui-ci est resté secret, et seuls quelques rares initiés ont eu le droit de connaitre les propositions de développement d’un média local grand public. Et c’est dans le secret que le bureau de la communauté urbaine, LMCU, lui a apporté son soutien.
Pour le CSA tout est clair. Le pluralisme passe par la libre concurrence. Qu’importent les conséquences d’une concurrence sauvage entre deux médias neufs et fragiles. Le libéralisme ne supporte ni arrangements, ni règles, ni réflexion sur le service rendu aux téléspectateurs. La liberté d’entreprendre est seul régulateur. Comme dans la finance ?
Une chose a manqué au projet de « Télé Lille » que tous ont jugé cohérent, réaliste et adapté au contexte local : le soutien réel de LMCU à un projet citoyen, correspondant au programme qu’une majorité des élus communautaires ont adopté sous le titre «vivre ensemble l’Euro-métropole».
En neuf mois, la présidente de LMCU n’a répondu à aucun de mes courriers, n’a jamais (OK) accepté de me recevoir, n’a participé ni délégué quiconque à aucune des réunions publiques que nous avons organisées. Il n’en a pas été de même pour les autres porteurs de projets de télévision candidates sur les fréquences, locale et régionale.
Alors, je dois des excuses à tous ceux que j’ai entrainés dans l’aventure.
Je m’excuse auprès des centaines de participants aux réunions publiques (OK)que nous avons organisées et à qui j’ai permis de penser que leur avis, sur un média qui les concernait, pouvait avoir de l’intérêt.
Je m’excuse auprès des sportifs, dirigeants de clubs, joueurs, amateurs à qui j’ai proposé une ouverture sur le monde du sport. « Télé Grand Lille » est propriété, à 40%, du patron du LOSC et ce sera donc « Télé Grand Stade ».
Je m’excuse auprès des dirigeants d’associations locales à qui j’ai fait croire qu’une télévision locale pouvait être un outil de service à la population, de débat sur les quartiers, de promotion de la diversité.
Je m’excuse auprès des journalistes que j’ai laissés inventer un projet de débats où, hors des thèmes imposés par les cénacles parisiens, ils pourraient mettre face à face des acteurs locaux connus et inconnus sur les sujets de la société locale, politique, économique et sociale.
Je m’excuse auprès des acteurs culturels à qui j’ai fait miroiter la possibilité de créer, d’écrire et de jouer par et pour la télévision locale.
Je m’excuse auprès des acteurs de l’économie sociale qui ont mis leurs forces en balance et qui ont cru que les statuts d’une coopérative pouvaient être le lieu d’une gestion équilibrée entre tous les partenaires publics et privés.
Je m’excuse auprès des élus locaux qui ont accepté de me recevoir et que j’ai convaincus (OK) qu’une télé locale pouvait être un outil de démocratie locale et de rapprochement entre la collectivité publique et les citoyens.
J e m’excuse auprès des professionnels qui ont accompagné pendant neuf mois le montage d’un projet citoyen et innovant.
A tous je demande pardon d’avoir laissé croire qu’une télévision locale pouvait être un outil de service public, d’information, de développement, de culture, de citoyenneté et de démocratie. Alors que, j’aurais dû (OK) le savoir, une télévision n’est qu’un objet de consommation, conçu par un petit nombre de spécialistes pour capter un maximum d’audience.
Vérité à Paris, erreur en deçà des collines de l’Artois. Nos élus métropolitains sont prompts à réagir pour défendre le service public, y compris celui de la télévision publique, lorsqu’il est menacé au plan national. A juste titre. Mais s’il s’agit de promouvoir un service public local, alors cela ne vaut ni un débat, ni une rencontre ni même une simple réflexion partagée.