2 septembre 2008
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L'éolien victime du lobby nucléaire, par Jean-Vincent Placé et
Christophe Rossignol
Plus d'un an après le lancement du Grenelle de l'environnement, les
menaces augmentent contre l'énergie éolienne. Souvent proches du lobby
nucléaire, les adversaires de l'éolien se dépensent beaucoup pour
tenter d'enrayer une dynamique fragile, pourtant largement approuvée
par nos concitoyens (fin 2007, un sondage indiquait que 90 % des
Français étaient favorables à son développement). Tandis qu'en
Allemagne les pouvoirs publics misent sur les énergies renouvelables,
en France des élus influents s'emploient à mettre en oeuvre une
stratégie destinée à stopper l'éolien.
Dès 2005, dans le cadre de l'examen du projet de loi d'orientation sur
l'énergie, un amendement de députés de l'UMP, visant à modifier les
règles de rachat par EDF de l'électricité produite par les éoliennes,
signait l'arrêt de mort de l'éolien. Une forte mobilisation avait fait
reculer le gouvernement de l'époque.
Depuis quelques mois, l'offensive s'intensifie. Le 17 mars, plus de
soixante-dix sénateurs, dont un ancien premier ministre, ont déposé un
projet de loi pour rendre obligatoires des référendums locaux. Le 24
avril, un député UMP a déposé une proposition de loi similaire. Le 4
juin s'est réuni pour la première fois un "comité d'orientation
stratégique" présidé par Valéry Giscard d'Estaing qui rassemble des
associations d'opposants à l'éolien. Ce comité comprend notamment M.
Boiteux, ancien président d'EDF.
Début juillet, nous apprenions que le gouvernement a en projet un
décret visant à soumettre les parcs éoliens à la procédure
d'autorisation des installations classées pour la protection de
l'environnement (ICPE). Les associations environnementales, indignées,
ont dénoncé "des règles très pénalisantes qui auraient pour seul
résultat de remettre en cause l'objectif du Grenelle de
l'environnement". Enfin, quelques jours plus tard, l'Institut
Montaigne, club de pensée libéral financé par des multinationales,
dont Areva, a relancé la polémique sur le coût de l'éolien.
Dans cette campagne de déstabilisation, basée sur les rumeurs les plus
folles, le plus triste en cette année de présidence française de
l'Union européenne est la dénonciation d'un "lobby germano-danois des
éoliennes" par M. Giscard d'Estaing.
Face à ce vent de folie, rappelons que la France s'est fixé comme
objectif, dans le cadre de la directive européenne sur l'électricité
renouvelable, de produire en 2010 21 % de sa consommation
d'électricité à partir de ces sources renouvelables. Tous les projets
éoliens sont soumis à la délivrance d'un permis de construire qui
s'accompagne obligatoirement d'une évaluation environnementale dotée
d'une étude paysagère.
De plus, l'éolien participe à la lutte contre l'effet de serre, à
l'amélioration de la sécurité nationale d'approvisionnement. Il s'agit
d'une énergie inépuisable, sans déchets mais riche en création
d'emplois. Selon un rapport de la plate-forme technologique européenne
consacrée à l'énergie éolienne, l'éolien pourrait fournir jusqu'à 28 %
de l'électricité de l'UE d'ici à 2030. Au ministère de l'énergie
américain, on estime que l'énergie éolienne pourrait fournir 20 % de
l'électricité des Etats-Unis d'ici à 2030, permettant de réduire 7,6
milliards de tonnes de CO2durant cette période.
Nous avons besoin d'une nouvelle politique fondée sur l'économie
d'énergie, une politique d'efficacité et de sobriété. A celle-ci
doivent s'ajouter des plans d'investissements majeurs dans les
énergies propres, dont fait partie l'éolien. Il ne s'agit pas, bien
sûr, d'installer des éoliennes partout et n'importe comment. Pour
cela, la transparence et la participation des citoyens sont
essentielles.
A l'heure du dérèglement climatique et du pétrole rare et cher, la
volonté de nuire à l'éolien ne peut donc que susciter l'indignation et
de profondes interrogations. La réponse est à chercher du côté du
conservatisme et du lobby pronucléaire, pour citer Hubert Reeves
:"Chaque éolienne est garante d'un peu moins de gaz carbonique dans
l'atmosphère, ou d'un peu moins de déchets nucléaires à gérer par les
générations à venir."
Face à ce lobby puissant, il existe déjà une association très active,
"Planète éolienne". A ses côtés, il faut, pour reprendre encore les
mots d'Hubert Reeves, que "les élus soient aux premières lignes :
c'est leur lot, mais aussi leur honneur et leur dignité, eux qui
doivent résister à la pression des intérêts à courte vue".
Nous appelons donc dès maintenant tous les élu(e)s à s'engager. Dans
le cadre de la présidence de l'Union européenne, la France doit
préparer la conférence de Copenhague en 2009, où les Etats devront
organiser la suite du protocole de Kyoto. Face au défi climatique, la
France se doit d'être exemplaire.
Jean-Vincent Placé est président du groupe des élus Verts au conseil
régional d'Ile-de-France et président de la Fédération nationale des
élus pour la promotion des énergies propres (Fneppep).
Christophe Rossignol est conseiller régional du Centre et secrétaire
général de la Fneppep.